Emploi

Quels jobs sont menacés par l’automatisation «intelligente»?

La question de savoir quels métiers sont ou seront menacés par l’automatisation numérique revient régulièrement. Au prix de nombreux raccourcis, deux études récentes cherchent à analyser le phénomène, l'une en comparant aptitudes humaines et robotiques, l'autre en se penchant sur la répartition des types de métiers exercés par la population suisse.

Depuis quelques années, la numérisation galopante des processus et les avancées technologiques font que l’automatisation a retrouvé sa place dans les agendas des entreprises. Et parce que les nouveaux outils - IA en tête - sont de nature à automatiser des activités qui semblaient jusqu’alors à l’abri, le spectre de la disparition d’emplois resurgit. La question intéresse naturellement les employés qui peuvent craindre de voir leur job disparaître, les pouvoirs publics soucieux d’éviter une augmentation du chômage et de faire évoluer les systèmes de formation, et les entreprises elles-mêmes dans leur quête de réduction des coûts. Le hic, c’est que, davantage que de remplacer intégralement des professions, l’automatisation numérique remplace surtout des tâches spécifiques.

Tâches ou métiers

En 2018, des chercheurs américains relevaient ainsi dans un article maintes fois cité, d’une part la capacité propre au machine learning de se propager dans la plupart des métiers, et d’autre part la nature très variée des tâches dans une profession donnée. A l’image du radiologue qui fait quantité de choses à côté de la seule analyse de radiographies où l’IA est susceptible de se montrer plus performante. En d’autres termes, rares sont les métiers dont une partie ne saurait être remplacée par l’intelligence artificielle et rares sont les métiers dont la plupart des tâches sont menacées.

Reste qu’aussi bien chez l’employé qui craint pour son job que chez les autorités qui veulent anticiper les adaptations des systèmes sociaux et éducatifs, on continue en général à penser l’automatisation en termes de métiers. Et pour y répondre, des études sont régulièrement reprises par les médias, qui cherchent à mesurer l’impact sur l’emploi et à prédire quels jobs vont disparaître sous l’effet de l’IA. Deux articles de scientifiques suisses parus cette année se livrent ainsi à cet exercice de la boule de cristal, et manient la calculette et le tableau Excel pour déterminer les tâches menacées par l’automatisation et ensuite extrapoler sur les professions.

Aptitudes professionnelles vs aptitudes robotiques

Publiée le printemps dernier dans Science Robotics, une première étude réalisée par des chercheurs de l’Université de Lausanne et de l’EPFL se saisit de la problématique en analysant le risque que les capacités déployées dans une profession donnée se voient remplacées à l’avenir par un robot. L’idée étant de pouvoir proposer des reconversions aux professionnels concernés vers des métiers moins menacés.

Pour calculer le risque d’automatisation d’une profession, les chercheurs s’appuient d’un côté sur O*NET, une base de données publique listant les aptitudes, compétences et connaissances requises dans 967 professions. De l’autre côté, ils recourent à la roadmap de European H2020 Robotics, un document compilant les opinions d’experts sur les progrès de la robotique dans différents domaines mais aussi en fonction de neuf aptitudes (adaptabilité, interaction, mouvement, cognition, décision, etc.).

Et finalement, au prix de très nombreux raccourcis, ils font correspondre les aptitudes professionnelles et robotiques, ce qui leur permet de calculer un risque d’automatisation pour chaque métier. Les chercheurs en concluent que les physiciens sont les moins exposés et les ouvriers des abattoirs les plus exposés au risque d’être remplacés par un robot. Ils ont également développé un outil en ligne recommandant des voies de reconversion.

Déclin des jobs routiniers cognitifs

Il y a quelques semaines, le KOF (Centre de recherches conjoncturelles de l’EPFZ) s'est fait l'écho d'une autre étude, qui s'est penchée sur l’effet de l’automatisation sur le marché suisse du travail. Les professions ont cette fois été réparties en catégories selon que leurs activités sont routinières ou non et selon qu’elles sont cognitives ou physiques. Là aussi au prix de raccourcis, puisqu’un métier comportant principalement des tâches routinières cognitives sera catégorisé comme tel. La méthode mène ainsi à quatre types de professions:

1. routinières physiques: boulangers, facteurs, opérateurs de machines de fabrication, etc.

2. routinières cognitives: employés de bureau, employés de banque, caissiers, etc.

3. non-routinières physiques: installateurs électriques, employés de nettoyage, barmen, etc.

4. non-routinières cognitives: enseignants, traders, médecins, etc.

Les chercheurs relèvent que la numérisation permet surtout d’automatiser les activités routinières, de sorte que ce sont les professionnels exerçant des métiers routiniers qui sont les principaux menacés, tandis que les métiers cognitifs non-routiniers sont davantage demandés. Les statistiques sur la population suisse active montrent un tel phénomène avec un fort déclin des professions routinières en 30 ans (voir graphique).

Source: Christian Gschwendt, Université de Berne

Les chercheurs constatent qu’en Suisse, cette baisse des emplois routiniers ne s’est cependant pas traduite par une augmentation du chômage ou par le développement d’emplois mal rémunérés, contrairement au phénomène observé Etats-Unis et à la Grande-Bretagne. Ils estiment que cette résilience de la Suisse s’explique aussi bien par une Etat providence étendu freinant la croissance de nouveaux emplois mal payés que par un système éducatif dual davantage réactif aux besoins changeants des employeurs.

Le déclin des métiers cognitifs routiniers, comme les employés de bureau, a toutefois un impact sur les mouvements sur le marché du travail. Car ces métiers étaient auparavant un moyen pour les travailleurs non-routiniers physiques d’accéder à un emploi mieux rémunéré…

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