Master of Swiss Web 2024: l’agence Yoveo se confie sur son sacre

Qu'est-ce qui vous a particulièrement plu dans le projet?

Marco Demont: Tout au long du projet, il y a eu des étapes captivantes et beaucoup d'apprentissages. Ce qui m'a particulièrement séduit, c'est d'une part la création d'une campagne dans laquelle l'IA générative constitue un élément clé intégré. D'autre part, l'effet positif de l'approche basée sur la foule, qui a permis à une large population d'accéder plus facilement à l'IA générative. Avant la campagne, beaucoup de gens ne pouvaient pas s'imaginer comment des images pouvaient être créées à partir de textes saisis.  

La campagne repose sur le travail des utilisateurs qui créent des contenus à l'aide de l'IA générative. Ne craignez-vous pas de scier la branche sur laquelle vous êtes assis? En d'autres termes: si les générateurs d'images et les utilisateurs créent les sujets publicitaires, pourquoi a-t-on encore besoin d'agences de publicité? 

Marco Demont: L'ensemble du secteur de la publicité et de la communication est actuellement confronté à cette question. Et oui, l'IA a un caractère disruptif. Et oui, l'IA va rendre obsolètes certains domaines dans notre secteur. D'un autre côté, l'IA offre aussi de nombreuses opportunités. De nouvelles possibilités apparaissent, certains domaines deviennent plus efficaces. Il en va de même pour toutes les grandes vagues technologiques du passé. Ce qui est nouveau, c'est la vitesse à laquelle l'IA arrive. Il faut faire preuve d'agilité, d'improvisation et de courage face à la nouveauté. Et il faudra encore du temps avant que l'IA ne remplace l'excellence et la créativité humaines. Certains fournisseurs sortiront de la vague de l'IA avec plus de succès, d'autres n'existeront peut-être plus  d'ici quelques années.

Comment avez-vous abordé le projet et qui s'est occupé de telle ou telle partie?

Marco Demont: Nous avons abordé notre partenaire de longue date, Arosa Tourisme, avec l'idée d'une campagne d'IA. L'intérêt et l'enthousiasme ont été immédiats. Il en a résulté un processus itératif qui a finalement abouti à la campagne  «#Rêve de montagne». Rien que pendant les quelques semaines de préparation, de nouvelles technologies d'IA génératives sont apparues sur le marché, qu'il a fallu examiner et intégrer le cas échéant. C'est ce que j'entendais en déclarant, dans la question précédente, qu’il faut faire preuve d'agilité, d'improvisation et de courage . Les tâches étaient clairement réparties. L'activation et la mise en œuvre de la campagne étaient du côté du client, tandis que l'ensemble de la mise en œuvre technique et la création des actifs média étaient de notre côté. Nous avons également apporté un soutien ponctuel pour l'activation et la mise en œuvre.

Quels ont été les principaux défis lors de la mise en œuvre? 

Andreas Herren: Le groupe cible d'Arosa est très hétérogène. Des personnes ayant une grande expérience du prompt aux personnes qui, dans le cadre de cette campagne, ont eu un premier contact avec l'IA. Parvenir à toucher tout le monde avec une expérience utilisateur simple était un défi. Un autre défi concernait la performance. La génération d'images devait rester performante quel que soit le nombre de personnes générant des images en même temps. Et le plus grand défi résidait dans la qualité des images. L'IA générative est fondamentalement un système non déterministe. D'un côté, c'est super excitant. La campagne a bénéficié de cette «créativité de l'IA». D'un autre côté, il fallait garantir un certain style et éviter les contenus inappropriés. Un exercice d'équilibre.

Comment s'est déroulée la réalisation de la campagne sur le plan technique? 

Andreas Herren: Dans un premier temps, nous nous sommes concentrés sur l'orientation de l'utilisateur avec des exemples et des prompts prédéfinis dans le but que les personnes qui entrent en contact avec l'IA pour la première fois puissent y accéder facilement. Le deuxième axe a été le tweaking de la génération d'images et la garantie de la performance.

Pour le générateur d'images, vous avez misé sur l'IA open source Stable Diffusion. Pourquoi ce modèle en particulier? Quels sont ses avantages par rapport à Midjourney ou Dall-E? 

Andreas Herren: L'un des principaux avantages réside dans l'ouverture et l'accessibilité du modèle, car il est librement disponible en tant que projet open source. Cela facilite les adaptations et les intégrations dans des projets spécifiques. De plus, Stable Diffusion offre une qualité d'image élevée, comparable à d'autres comme Midjourney ou Dall-E, mais avec un temps de génération souvent plus rapide. Cette caractéristique est particulièrement utile pour les campagnes qui nécessitent une grande quantité d'images en peu de temps. En outre, le modèle prend en charge une large palette de styles et peut être encore mieux adapté aux exigences de sortie souhaitées grâce à un entraînement avec des données spécifiques.

Comment avez-vous procédé pour la configuration de Stable Diffusion?

Andreas Herren: Pour être tout à fait honnête, il y a eu beaucoup d'essais et d'erreurs. Nous avons construit une sandbox dès le début et l'avons partagée avec l'équipe de projet (interne et client). Cela nous a permis d'acquérir de l'expérience en permanence. Parallèlement, nous avons adapté le modèle à l'aide d'une vaste série de mesures telles que le prétraitement de texte, la traduction, les paramètres du modèle, les options de style, les mots-clés, les pré-prompts ou les prompts négatifs.

Stability AI, la société à l'origine de Stable Diffusion, est en proie à des difficultés juridiques. L'agence de photos américaine Getty a porté plainte contre l'entreprise pour violation présumée des droits d'auteur. Il lui est reproché d'avoir utilisé sans autorisation des millions d'images Getty pour l'entraînement de l'IA, laquelle produit des œuvres dérivées de ces images. Qu'est-ce que cela signifie pour la campagne d'Arosa et pour l'avenir des campagnes basées sur l'IA en général? 

Andreas Herren: Cela vaut en général pour tous les fournisseurs. Par exemple, OpenAI - l'entreprise derrière Dall-E et ChatGPT - a été poursuivie en justice par le New York Times. Nous nous trouvons en grande partie sur un terrain inconnu. C'est un sujet complexe à plusieurs niveaux. D'un côté, on s'efforce d'indemniser les fournisseurs de contenus. De l'autre, on peut considérer l'IA générative comme une concurrence directe aux fournisseurs de contenus, qui veulent protéger leurs créations. Parallèlement, les modèles évoluent à une vitesse fulgurante. Les nouveaux modèles nécessitent moins de données d'entraînement. Nous suivons de près l'évolution et étudions l'utilisation au cas par cas pour chaque campagne.  

Quels sont pour vous les principales leçons à tirer de ce projet? 

Marco Demont: Rester agile, être rapide et accompagner le client de manière proactive. De nombreux éléments sont nouveaux pour les clients dans un projet d'IA. C'est à l'agence de rassurer le client et de communiquer de manière claire sur des sujets complexes.  

Quels conseils donneriez-vous aux candidats à la prochaine édition du Best of Swiss Web?

Marco Demont:  Les gros budgets ne suffisent pas à faire de bons projets. Et lorsqu'on travaille avec de nouvelles technologies comme l'IA, il faut aussi accepter d'être parfois bousculé. Tout ne fonctionne pas comme on le pense ou comme on l'attend. Mais on apprend en permanence, et c'est essentiel pour réussir avec des technologies comme l'IA.