D-Wave revendique la suprématie quantique, mais des chercheurs restent sceptiques
L’entreprise D-Wave a annoncé une avancée en informatique quantique, affirmant avoir surpassé les capacités du supercalculateur Frontier. Des chercheurs, dont certains de l’EPFL, remettent en cause la validité de cette revendication.

L’entreprise canadienne D-Wave Quantum affirme avoir atteint la suprématie quantique sur un problème concret grâce à son système Advantage2. Une étude impliquant onze institutions, dont l’EPFZ, et publiée dans la revue Science, suggère que son ordinateur quantique aurait résolu en quelques minutes un problème qui nécessiterait environ un million d’années et une consommation énergétique colossale au supercalculateur Frontier, le deuxième plus puissant au monde.
Le projet portait sur la simulation de matériaux magnétiques (verres de spins), essentiels pour la recherche en physique et en science des matériaux. Selon D-Wave, ses calculs ont permis d’obtenir des propriétés physiques précises de ces matériaux, ce qui constitue une avancée significative dans le domaine.
«J’espère que ces résultats encourageront l'exploration théorique des défis informatiques liés à la réalisation de telles simulations, à la fois classiques et quantiques», déclare le Dr Juan Carrasquilla, professeur associé au Département de physique de l’EPFZ, cité dans le communiqué de l’entreprise.
Un ordinateur portable ferait l’affaire
Cependant, l’affirmation de D-Wave concernant la suprématie quantique est remise en question par plusieurs chercheurs. Le média spécialisé New Scientist rapporte que Dries Sels (université de New York) et ses collègues auraient réalisé des calculs similaires sur un simple ordinateur portable en seulement deux heures. Par ailleurs, Linda Mauron et Giuseppe Carleo, de l’EPFL, estiment dans un article académique que le modèle étudié pourrait être simulé sans recourir à l’intrication quantique, un élément central censé conférer un avantage aux ordinateurs quantiques. Ils suggèrent qu’un ordinateur classique, en simulant une quantité minimale d’intrication, pourrait obtenir des résultats comparables. Face à ces critiques, D-Wave a maintenu sa position, affirmant que les études menées par ses détracteurs ne reproduisent pas l’intégralité de ses simulations.
Ce débat rappelle des précédents dans l’histoire de l’informatique quantique. En 2019, Google avait affirmé que son processeur quantique Sycamore pouvait effectuer en 200 secondes un calcul nécessitant 10'000 ans sur un superordinateur classique. Cependant, les chercheurs sont ensuite parvenus à réduire ce temps de calcul à quelques heures, puis à seulement 14,22 secondes en 2024, en optimisant les techniques de calcul conventionnelles, fait observer le New Scientist.