Guillaume Houlier, narrative: «En matière de numérique, les institutions culturelles ne manquent pas d’idées»
Guillaume Houlier est responsable de Narrative, une agence spécialisée dans la conception d’expériences muséales intégrant notamment des technologies numériques. Il explique la demande des musées en la matière et revient sur quelques projets récents.
Quels effets avez-vous constatés en matière de demande numérique de la part des institutions culturelles romandes?
La pandémie de Covid-19 a considérablement accéléré la demande en matière de numérique, et à minima, la question se pose maintenant à chaque nouvelle création. De grands musées étrangers ont par ailleurs beaucoup d’avance en la matière et la Suisse comble son retard.
Quels types d'institutions font appel à vos services?
Les institutions qui font appel à nous demeurent essentiellement des Musées. Notre travail consiste à créer une expérience pour les visiteurs. De ce fait, de plus en plus d’entreprises privées nous consultent également. Pour réaliser des expositions, pour aménager des parcours de visite, pour créer une expérience en boutique ou encore pour améliorer des espaces de travail.
Quelles sont les demandes les plus fréquentes en matière numérique?
Le numérique est présent partout dans nos vies. En amont d’une visite par exemple, ne serait-ce que pour la promotion de celle-ci, réseaux sociaux, sites internet, applications mobiles, spots audio-visuels etc. Durant la visite, nous sommes de plus en plus sollicités pour intervenir sur les scénographies, nous réalisons des films et documentaires, nous concevons du mobilier et des dispositifs numériques. Dans ce domaine, nous avons par exemple réalisé un dispositif complet pour le Musée d’Histoire des Sciences de Genève présentant les excursions scientifique depuis Genève vers le Mont Blanc. Il comporte une maquette de 80cm de côté allant du massif du Mont Blanc jusqu’au lac Léman, un rétroprojecteur permettant de réaliser un “mapping” sur la carte en relief pour y faire figurer les parcours et un téléviseur, qui joue des films présentant les différentes expéditions. Nous avons aussi créé un dispositif projetant l’image d’un athlète réalisant un marathon et incitant l’utilisateur à se mesurer à lui, ceci afin de réaliser que cet athlète court plusieurs heures à une allure qui s’apparente à notre allure de sprint. Pour mon métier, je suis amené à faire de nombreuses visites, et j’ai été saisi l’année passée par l’exposition temporaire “Sauvage” au Muséum de Neuchâtel, où dans une pièce très obscure, nous étions plongé par le biais de sons enregistrés et spatialisés dans une forêt non loin du Musée. C’était un dispositif finalement très technologique sans que les visiteurs n’aient conscience de cela. C’était très réussi.
Quels sont les obstacles rencontrés par les institutions culturelles romandes en matière de numérisation? Manquent-elles d'idées, de moyens, de compétences?
Les institutions ne manquent pas d’idées. Elles sont même en général très en pointe. La confrontation des idées, les leurs et les nôtres permet de trouver d’excellentes solutions. Elles ne manquent pas non plus de compétences, notre métier est de les accompagner ou de les compléter avec un œil neuf. Quant aux moyens, soyons honnête, c’est souvent là le problème. Réaliser quelque chose d’ambitieux et de long terme coûte. Lors de la refonte d’expositions permanentes, les institutions sont en général bien dotées, et il s’agit alors de créer des expériences qui seront pérennes. Pour les expositions temporaires, les moyens sont généralement plus limités. Nous nous efforçons de trouver les solutions en relation avec les budgets alloués.
Vous avez participé à l'exposition de Photo Elysée sur la photographie couleur. Quels étaient les principaux défis techniques?
L’exposition parle du procédé Lippmann, de l’homme scientifique et du photographe. Le principal défi était la compréhension du procédé en tant que tel et savoir la retranscrire. Heureusement, nous étions solidement épaulés par les laboratoires de physiques de l’EPFL. N’en reste pas moins, qu’expliquer de façon simple était une gageure. C’est typiquement sur ce type de problématique que l’audiovisuel et le digital sont des aides précieuses.
Guillaume Houlier est à la tête de narrative, agence spécialisée dans la muséographie au sein de Point Prod.