Comment Coop aborde l'IA, le changement de son ERP et l'externalisation de l'IT
Ex-CIO de la compagnie aérienne Swiss, Lukas Wirth dirige l’IT de Coop depuis mars 2021. En interview avec notre rédaction alémanique, il revient sur les projets en cours dont la migration achevée sur S4-Hana et le changement de système de caisse.
Le 9 juin, dans l'après-midi, quasiment plus rien ne fonctionnait chez Coop. Le site web était inaccessible, les paiements par carte échouaient dans toute la Suisse, divers téléphones ne fonctionnaient plus et les e-mails étaient également perturbés. Que s'est-il passé?
C'est effectivement ce qui est arrivé et cela nous a occupés un moment. Nous avons connu une panne dans l'infrastructure réseau de notre centre de calcul.
Comment avez-vous réagi à cette panne?
Nous avons immédiatement convoqué une taskforce avec des représentants de tous les secteurs de l'IT et du business. Ensemble, nous avons analysé les causes, cherché des solutions et examiné en parallèle les mesures à prendre pour remédier à la panne. Chez nous, les causes exactes sont documentées et chaque panne fait l’objet d’une Root Cause Analysis.
En 2016, Coop a fait entrer l'informatique au niveau de la Direction générale avec la création d’une nouvelle Direction IT/Production/Services. Quel a été l’impact de ce changement?
Il est très utile que l'IT soit représenté à la Direction générale. Avec la numérisation croissante et l'importance accrue de la sécurité informatique, un nombre bien plus important de thèmes informatiques arrivent à la Direction générale et ils y sont désormais traités avec la compétence requise.
Quel thème informatique figure actuellement en tête de l'agenda de la direction?
Nous gérons un large portefeuille comprenant plus de 200 projets par an. Il n'y a pas de projet qui soit au-dessus de tous les autres. Il y a cependant quelques grands projets ainsi que des thèmes récurrents comme la sécurité informatique, dont nous faisons périodiquement rapport à la Direction générale.
Quelle est la position de Coop en matière d'externalisation IT?
Nous travaillons en étroite collaboration avec des partenaires importants, et avec certains d’entre eux nous utilisons aussi des ressources dans un environnement nearshore. Cela nous permet en premier lieu d'être flexibles et d'atteindre une certaine échelle dans le domaine du développement.
Vous avez pris vos fonctions de directeur IT de Coop en mars 2021, il y a un peu plus d'un an. Que comptez-vous réaliser au cours des trois prochaines années?
Les objectifs centraux sont au premier plan: garantir une informatique stable et réaliser les projets avec succès, dans les délais et conformément au budget. Sur le plan technique, nous nous dirigeons encore plus vers le cloud, et l'importance de la sécurité informatique ne cesse de croître. Nous cherchons aussi à trouver un meilleur équilibre entre la sécurité de la planification et la flexibilité de l'informatique de Coop. La crise du Coronavirus nous a montré à quelle vitesse les choses peuvent changer. Jusqu'à présent, notre informatique a parfaitement géré la crise. Ces prochaines années, les besoins en collaborateurs en matière IT vont continuer d'augmenter, il n’y a aucun signe de retour en arrière. Il y a dans le groupe Coop encore un grand potentiel pour soutenir davantage de processus avec l'informatique et cela va continuer à nous solliciter fortement. C'est pourquoi nous voulons fidéliser les personnes adéquates à la place qui leur convient.
Comment faites-vous pour que le manque de personnel qualifié ne vous joue pas de mauvais tours?
Il est aujourd'hui essentiel d'être un employeur attractif sur le marché du travail. Nous poursuivons nos efforts pour qu'en tant que détaillant, nous soyons encore mieux perçus comme un employeur intéressant pour les spécialistes IT.
Quel projet vous a donné le plus de fil à retordre au cours de votre première année?
Pas de grand problème, mais j’ai acquis un grand respect pour les effets secondaires imprévus dans les grands projets, comme par exemple dans la migration vers le cloud de notre système central de vente au détail ou l'intégration de Jumbo dans le groupe Coop.
Et qu'est-ce qui vous a procuré le plus de satisfaction ?
Découvrir la grande diversité de Coop. J'ai eu une phase d'introduction intensive, au cours de laquelle j'ai pu découvrir toutes les prestations fournies en coulisses. A cela s'ajoutent de nombreux domaines que l'on n'associe pas immédiatement à Coop, comme nos usines de production ou nos centres de fitness.
Avant votre arrivée, vous étiez responsable de l'informatique de la compagnie aérienne Swiss. Qu'est-ce que Coop peut apprendre de Swiss en matière IT ?
Le modèle commercial, mais aussi les processus d'une compagnie aérienne sont trop différents de ceux d'un détaillant pour que l'on puisse en tirer des enseignements. Je reformule volontiers la question : Quels sont les points communs ? Coop et Swiss sont des entreprises à forte affluence de clients. Chaque jour, un nombre énorme de personnes font appel aux services de ces entreprises soucieuses d'efficacité. Dans les deux cas, la logistique joue un rôle important. Chez Coop, les magasins doivent être approvisionnés à temps, chez Swiss, les avions doivent être remplis.
Vous travaillez actuellement au passage au système ERP S/4 Hana. Comment une grande entreprise comme Coop aborde-t-elle ce changement ?
Nous avons réussi la transition pendant le week-end de Pâques. Le projet a été lancé avant mon arrivée chez Coop. Nous avons opté pour une approche Bluefield, qui offre un bon mélange entre une reconstruction complète et la migration de l'existant. La clé du succès a été une équipe de projet multidisciplinaire, motivée et expérimentée, qui a planifié cette migration stimulante dans les moindres détails.
Quels conseils donneriez-vous aux autres entreprises qui doivent encore passer à S/4-Hana?
Quatre points sont à mon avis importants : choisir calmement la bonne approche, prévoir du temps à l'avance pour les nettoyages, limiter très tôt le développement parallèle dans l'ancien et le nouveau système et enfin tester, tester et tester encore.
Vous avez déjà mentionné l'intégration des magasins spécialisés Jumbo. Quel est le principal défi en matière informatique?
Les plus grands défis sont l'intégration de tous les points de vente dans l'environnement de Coop ainsi que les processus logistiques. Le regroupement des e-shops est aussi un projet partiel très exigeant.
Un autre projet actuel est la mise à jour de votre système de caisse. Pourquoi cette mise à jour est-elle nécessaire?
Le système de caisse existant a atteint sa limite de vie. La mise à jour nous permet en outre d'optimiser l'architecture et d'introduire de nouvelles fonctions.
Combien de temps durera cette mise à jour?
Cette année, nous commençons le déploiement pour les supermarchés. Ensuite, nous changerons progressivement les autres enseignes de Coop d'ici 2025. Ce temps est nécessaire pour accompagner intensivement les collaborateurs dans les points de vente lors du changement et pour développer d'autres fonctions pour les magasins. A titre d'exemple, chez Christ Montres & Bijoux, des certificats seront désormais délivrés pour les bijoux.
Quels sont les avantages du changement pour les clients de Coop?
Ils bénéficieront de nouvelles fonctions et d'un système de caisse encore plus stable sur une base technique moderne. Mais comme je l'ai déjà dit, le changement est surtout d'ordre technique.
Lors de mes recherches, j'ai trouvé un article paru dans un journal Coop de 2017, qui décrit comment les commandes de marchandises pourraient un jour être optimisées grâce à l'intelligence artificielle. L'IA serait ainsi capable d'adapter elle-même les commandes en fonction de la météo, des événements à venir et d'autres facteurs. Où en est cette idée?
Vous vous référez au Sales-Based-Ordering que nous avons introduit il y a plus de dix ans. Depuis, nous continuons à développer les algorithmes et recourons notamment à l'IA.
Quelle est la part d'IA dans les supermarchés de Coop?
Nous utilisons surtout l'Advanced Analytics, par exemple pour optimiser les assortiments. Les véritables applications IA, comme les réseaux neuronaux, sont plus rarement utilisées. Nous avons par exemple une solution d'IA pour vérifier la plausibilité des quantités en stock dans les magasins.
D'autres chaînes de magasins vont encore plus loin dans la numérisation et expérimentent des magasins sans système de caisse classique. Pourquoi Coop reste-t-elle en retrait dans ce domaine?
Nous observons et testons intensivement les nouvelles technologies pour les magasins et n'introduisons de nouvelles solutions que si elles présentent un avantage évident pour le client. Notre objectif n'est pas d'être le pionnier technologique dans ce domaine.
J'ai également lu dans le journal que vous utilisiez des robots dans vos entrepôts. Les robots serviront-ils aussi un jour les clients?
Le potentiel de la robotique est surtout présent dans la production et la logistique. Dans les points de vente, nous misons sur l'expérience physique des produits et le contact humain.