Philipp Lombriser, CFF: «Les Digital Twins améliorent le service à la clientèle»
Philipp Lombriser, Business Analyst, et Andreas Meister, Team Leader Software Engineering et Security Architect aux CFF, expliquent comment l’entreprise ferroviaire fait appel aux Digital Twins.
Qu'est-ce qui distingue un Digital Twin d'une solution IoT «ordinaire»?
Andreas Meister: L'Internet des objets est un prérequis pour les Digital Twins, lesquels englobent des appareils mis en réseau qui collectent les données de leur environnement et les échangent sans intervention humaine. Les Digital Twins sont des images numériques de processus ou d'objets. Afin de refléter leur état en temps réel, les Digital Twins ont besoin de données collectées par des capteurs IoT.
Philipp Lombriser: Aux CFF, nous testons différentes applications de Digital Twins à la gare de Zurich. Il s'agit, par exemple, de transmettre des informations concernant les ascenseurs en service. D'autres tests portent sur le trafic des passagers, mais sans collecter ni conserver aucune donnée client. Les Digital Twins analysent les événements autour de la gare et évaluent certains hashtags et les géolocalisations sur Twitter pour calculer combien de personnes se déplacent et à quel moment. De cette façon, nous pouvons faire des prévisions sur l’affluence dans la gare et gérer le personnel de sécurité en conséquence.
Comment un Digital Twin optimise-t-il le fonctionnement de son homologue physique?
Philipp Lombriser: Prenons l’exemple de l'ascenseur. Aujourd'hui, un capteur signale automatiquement si l'ascenseur est défectueux. Il n'est plus nécessaire d'effectuer régulièrement des contrôles mais les réparations font encore appel à un technicien. La prochaine étape consistera à faire commander par un Digital Twin la bonne pièce de rechange. A l’étape suivante, il s'agira de prédire quand l'ascenseur tombera en panne et de commander la bonne pièce de rechange en prévision. Mais nous n’en sommes pas encore là.
Comment un Digital Twin apprend-il?
Andreas Meister: En principe, comme un cerveau humain. Les Digital Twins s'alimentent de données, les traitent et apprennent en s'appuyant sur leur expérience passée. Plus ils disposent d'informations, meilleures sont les décisions prises. C'est ce qu'on appelle le deep learning, ou plus généralement l'intelligence artificielle ou le machine learning.
Quels sont, selon vous, les cas d'utilisation de Digital Twins les plus intéressants à ce jour?
Philipp Lombriser: Les CFF ont numérisé l'ensemble du réseau ferroviaire suisse, lequel est reproduit et simulé à l'aide d'un système auto-apprenant. Le modèle forme une représentation de toute l'histoire du trafic ferroviaire et recrée pour ainsi dire le passé. Quand et où est passé quel train, quand y a-t-il eu quel retard? De nouvelles alternatives peuvent être testées en quelques millisecondes. Cela représente d'immenses quantités de données. L'objectif du système est de tirer les leçons du passé et de fournir des recommandations pour aider les opérateurs de la circulation ferroviaire à prendre leurs décisions.
A quels défis faites-vous encore face dans le développement et l'utilisation des Digital Twins?
Andreas Meister: Les données sont l'élément central. Leur acquisition est le premier défi à relever. Où obtenir les données pertinentes? Leur collecte est-elle conforme à la protection des données? Où d'autres capteurs devraient-ils être installés? Quelles sources externes dois-je utiliser? Une fois ces questions clarifiées et les données brutes obtenues, il faut encore les agréger. Il s'agit notamment d’éliminer les redondances et d’associer judicieusement les données .
Hormis l'intelligence artificielle et le machine learning, quelles avancées technologiques vont impacter le développement des Digital Twins?
Andreas Meister: L'IoT étant un prérequis aux Digital Twins, les progrès dans ce domaine vont avoir une forte influence. De même que le Big Data ainsi que la réalité virtuelle et augmentée.
Les Digital Twins sont-ils une menace à long terme pour le personnel technique et IT?
Philipp Lombriser: Aux CFF, les Digital Twins contribuent à améliorer le service à la clientèle et les flux de travail. Le personnel ne deviendra donc pas superflu mais ses tâches évolueront.
Pour quel type de spécialistes ou d'expertise l'utilisation croissante des Digital Twins va-t-elle accentuer la demande?
Andreas Meister: Le développement des Digital Twins et de ses applications nécessitent des ingénieurs logiciels, des architectes logiciels, des analystes de données et des experts en expérience utilisateur.