Va-t-on déployer des datacenters en orbite pour réduire les émissions de CO2?
Dans le cadre du programme Horizon Europe, l'étude ASCEND imagine un futur où des centres de données orbitaux seraient une alternative viable aux datacenters traditionnels, avec des avantages environnementaux significatifs. Explication.
Initiée en 2023 dans le cadre du programme Horizon Europe, l'étude ASCEND a servi à déterminer l'impact environnemental qu'auraient des centres de données déployés dans l’espace, en orbite, et d'en évaluer la faisabilité technologique. Menée par Thales Alenia Space (joint-venture entre Thales et Leonardo), l’étude a réuni un consortium d'experts européens dans les domaines de l'environnement (Carbone 4 et VITO), du cloud (Orange Business, CloudFerro, HPE), des systèmes orbitaux (le centre de recherche allemand DLR, Airbus Defence and Space, et Thales Alenia Space) et des technologies de lancement spatial (ArianeGroup). Les résultats obtenus montrent que les datacenters orbitaux permettraient de réduire considérablement les émissions de CO2 et de se passer de consommation d'eau pour le refroidissement.
Nécessité de disposer d'un lanceur dix fois moins polluant
Dans le cadre de cette étude, Carbone 4 a développé un modèle d'émissions de CO2 couvrant l'ensemble du cycle de vie des centres de données terrestres et spatiaux. Ce modèle a permis d'identifier les principaux contributeurs de CO2: pour les centres terrestres, les opérations elles-mêmes sont le principal facteur d'émission, tandis que pour les centres orbitaux, ce sont les lancements de fusées qui a le plus grand impact, explique à ICTjournal Damien Dumestier, le responsable de l'étude à Thales Alenia Space. Il précise que le seuil critique pour que les centres de données spatiaux soient moins émissifs que les centres terrestres dépend de la possibilité de disposer d'un lanceur dix fois moins polluant, un objectif qu’il qualifie d’ambitieux mais de techniquement réalisable.
L’entreprise VITO a réalisé une analyse du cycle de vie comparant l'impact environnemental des deux types de centres de données sur plusieurs critères. «L’ensemble du cycle de vie des deux solutions a été pris en compte, de la phase de conception jusqu’à la gestion de fin et en prenant en compte la période d’opération», ajoute le responsable. L'analyse a révélé que les centres de données orbitaux, une fois déployés, auraient des émissions de CO2 négligeables grâce à leur alimentation en énergie solaire.
Objectifs de capacité
L'étude ASCEND fixe un objectif de capacité de 1 gigawatt d'ici 2050, les premières installations étant prévues pour 2035-2036. Ce déploiement repose sur une architecture modulaire composée de différentes unités («Building Blocks») de 800 kW, placés à 1400 km d'altitude en orbite héliosynchrone, afin de garantir un approvisionnement continu en énergie solaire. Chaque module mesure 200 mètres de long sur 80 mètres de large, soit grosso modo l'équivalent de deux terrains de football.
«Chaque Building Block aura une masse de 32 tonnes et sera déployé directement sur l’orbite cible à l’aide d’un nouveau type de lanceur lourd réutilisable. Notre architecture est basée sur un assemblage de tuiles hexagonales de 7 mètres de diamètre, empilées les unes sur les autres pour optimiser le lancement, et déployées en orbite à l’aide d’un robot», précise Damien Dumestier. Treize modules «volant en formation et communicant entre eux» pourront atteindre une capacité initiale de 10 MW, équivalente à plus de 2000 PFLOPS (pétaflops) de puissance de calcul.
Viabilité économique
L'étude a démontré que les centres de données orbitaux pourraient représenter une solution économiquement viable. Avec des gains d'échelle et une capacité de 1 gigawatt, ces infrastructures pourraient offrir un retour sur investissement de plusieurs centaines de milliards d'euros à l'horizon 2050. Le responsable souligne que ce modèle permettrait de réaliser d'importantes économies d'échelle, rendant les coûts unitaires plus compétitifs par rapport aux centres de données terrestres.