Véhicules autonomes

Les véhicules intelligents pourraient faire caler l’assurance auto

Les véhicules intelligents pourraient bientôt se généraliser sur les routes et réduire significativement le risque d’accidents. Le modèle actuel d’assurances auto semble dès lors voué à disparaître, forçant les assureurs à imaginer de nouveaux types d’offres et de services.

La Volvo S90 est équipée d'une caméra-radar qui détecte la présence de grands animaux. (Source: Volvo Cars)
La Volvo S90 est équipée d'une caméra-radar qui détecte la présence de grands animaux. (Source: Volvo Cars)

Cet été, une technologie sophistiquée d’assistance à la conduite, en l’occurrence la fonction Autopilot d’une Tesla, a causé un accident mortel. Une première. Quelques semaines plus tard, l’administration américaine a publié des directives pour encadrer le développement de la voiture autonome et s’assurer que les constructeurs s’engagent à garantir la sécurité des usagers et de la population. Des lignes de conduite qui, n’ayant pas pour objectif de freiner le développement des voitures autonomes, se veulent flexibles et évolutives. Barack Obama a lui-même expliqué dans une tribune qu’il voyait d'un bon œil le développement des véhicules autonomes, estimant qu’ils permettront de sauver des dizaines de milliers de vies par année. Des déclarations en mesure de rassurer Tesla et les différentes compagnies déjà investies sur ce créneau. Dont Google, qui travaille au développement d’un véhicule ne nécessitant pas de chauffeur. Ou Uber, engagé dans la phase pilote d'un service assuré par des prototypes de taxis autonomes. En Suisse aussi le futur des transports inspire: la spin-off de l’EPFL Bestmile fait parler d’elle grâce à sa plateforme cloud de gestion de flotte de minibus sans chauffeur (lire l’interview de son CEO). Les développements en la matière touchent non seulement les véhicules privés et les transports publics mais aussi celui de la logistique. Le groupe Daimler a en effet conduit il y a un an le premier test, en situation réelle, d’un camion de livraison équipé d’une fonction d’autopilote pour l’autoroute.

L’avènement de technologies sophistiquées

Actuellement testées dans différents contextes, les voitures sans chauffeur pourraient devenir une réalité commerciale dès 2025. Puis progressivement s’imposer sur les routes pour constituer la quasi-totalité du trafic à l’horizon 2070, prédit le cabinet Autonomous Research*. Aujourd’hui, la plupart des modèles de voitures connectées sont uniquement équipés de systèmes d’assistance au stationnement. Mais les 260 millions de véhicules semi-autonomes qui circuleront probablement sur la planète en 2020 embarqueront des technologies d’assistance à la conduite plus sophistiquées, en mesure de réduire le nombre d’accidents et leur sévérité. Volvo vient d’ailleurs de créer une société avec le spécialiste de la sécurité Autoliv, précisément dans le but de développer des solutions logicielles rendant les voitures plus sûres. «Cette nouvelle entreprise est la reconnaissance du fait que la conduite autonome est la prochaine étape pour transformer la sécurité routière», a commenté Jan Carlson, CEO de Autoliv.

Dans un rapport détaillé sur le sujet, la société de réassurance Swiss Re* anticipe que dans quatre ans, de 25 à 50% d’accidents pourraient être évités si tous les véhicules en circulation étaient équipés de systèmes de centrage sur la voie, de freinage d’urgence ou d’autopilote. Des prédictions qui n’étonnent guère quand on sait que pas moins de neuf accidents sur dix sont causés par des erreurs humaines*, telles qu’un manque d’attention ou un mauvais jugement des intentions des autres usagers. Des études* ont d’ailleurs déjà prouvé que, ces dernières années, les propriétaires de voitures équipées de systèmes d’alerte anticollision et de sortie de voie ont en moyenne déclaré moins de sinistres. Une tendance qui a toutes les chances de s’accentuer avec l’introduction de technologies plus sophistiquées d’alertes et d’assistance permettant d’éviter le pire.

Sévère manque à gagner pour les assureurs

Réjouissant pour les automobilistes, le gain de sécurité promis par des véhicules de plus en plus autonomes va forcer les assureurs à réagir. Moins d’accidents signifie aussi moins de risques. En conséquence, près de la moitié des assureurs s’attendent à baisser leurs primes à mesure que les véhicules connectés s’imposeront sur le marché, indique un sondage de KPMG*. Le manque à gagner pour les assureurs pourrait dès lors atteindre 600 milliards de dollars en 2035, selon SwissRe, qui souligne que les pertes potentielles ne pourront plus être amorties selon les techniques actuelles d’agrégation des risques sur un grand nombre d'assurés. En revanche, les véhicules connectés présentent aussi des perspectives positives pour les assurances, en faisant notamment office d’arme à l’efficacité redoutable contre les fraudeurs. Les voitures semi-autonomes jettent aussi des bases pour élaborer de nouveaux modèles d’assurance, tirant profit des données qu’elles collectent en permanence et en temps réel.

Vers des souscriptions basées sur les données

Avec l’avènement des technologies connectées d’assistance à la conduite, des contrats d’assurances basés sur l’utilisation apparaissent, fait remarquer SwissRe. Via des partenariats avec les fabricants, les assureurs peuvent analyser les risques avec plus de précision et proposer des souscriptions taillées sur les informations réelles de fréquence d’utilisation et de comportement au volant des assurés. En exploitant ces données, les assureurs ont par ailleurs l’opportunité d’acquérir de nouvelles sources de revenus et de se différencier sur le marché avec des services et produits complémentaires ultra personnalisés pour les automobilistes. Par exemple, des applications en matière de covoiturage, de conseil d’itinéraires ou de conduite économique, ou encore des services de recommandations touristiques ou des diagnostics sur l’état du véhicule.

Dans ce cadre, les assureurs auront intérêt à anticiper la demande, notamment en vue de mieux contrer la concurrence qui pointe à l’horizon, celle des start-up mais aussi des constructeurs. «Depuis la souscription jusqu'aux dédommagements, les données vont progressivement prendre une place prépondérante dans les métiers de l'assurance. Ceci conduira à l'émergence et à la compétition entre platesformes de données des acteurs de la chaîne de valeur», analyse Bruno Aïdan, Head of Research and Development du Data Innovation Lab d’AXA.

Plus les véhicules s’autonomiseront, plus la responsabilité se déplacera des conducteurs aux constructeurs qui pourraient assumer une responsabilité totale en cas d’accidents. Volvo, Google et Mercedes ont par exemple fait des déclarations allant dans ce sens. Les assurances auto actuelles pourraient dès lors changer de cible en couvrant les fabricants. Ou encore faire évoluer leurs offres, en proposant des contrats pour couvrir des usagers contre des risques associés à l’ensemble de leur mobilité, du trajet en voiture ou taxi sans chauffeur aux transports publics autonomes. Qu’il s’agisse d’assurer des blessures et accidents mais aussi des annulations ou retards dus à un transporteur. Sans omettre la couverture contre des opérations malveillantes à distance perpétrées par des cyber-pirates.

(*) Références:

1) Driverless Cars: When the hands come off the wheel, Autonomous Research, 2016
2) The future of motor insurance, Swiss Re & HERE, 2016
3) UK Department for Transport, statistiques 2013-2015
4) IIHS, Status Report, Vol. 49, No. 4, 2014
5) Automobile insurance in the era of autonomus vehicles, KPMG, June 2015

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