Singapour utilise l’IA pour traquer les fumeurs
L’agence technologique de Singapour a développé un modèle IA Edge capable de détecter les personnes fumant dans les lieux où cela est interdit pour allouer davantage de policiers à ces zones.
A chaque pays ses bêtes noires et à Singapour on n’aime pas du tout les fumeurs. Parce que c’est mauvais pour la santé et parce que c’est mauvais pour l’environnement. Au fil des années, la cité-Etat a ainsi considérablement restreint les possibilités de fumer dans les lieux publics et les résidents pris en faute doivent s’acquitter d’amendes allant de 135 à 670 francs suisses. Et comme il est impossible de mettre un policier à chaque coin de rue, Singapour recourt à son vaste système de vidéosurveillance et à l’IA. «En tant que ville-jardin, Singapour est connue pour sa verdure luxuriante, ses rues propres et son air frais. Sur ce dernier sujet la technologie a été mise à contribution ces deux dernières années pour préserver cet air frais que nous apprécions, que nous soyons en milieu urbain ou en pleine nature », explique l’un des sites officiels de la cité-Etat.
Dans un billet de blog, Pye Sone Kyaw, Ingénieur IA chez l’agence technologique de Singapour, revient sur le développement Balefire, un système IA périphérique (Edge AI) conçu pour aider l’agence nationale pour l’environnement de la ville-Etat à détecter les fumeurs dans les lieux publics. L’idée étant d’identifier les lieux les plus populaires pour y dépêcher des policiers.
Démarré en 2019, le projet a connu plusieurs proof-of-concept et les ingénieurs ont démarré le premier déploiement pilote avec 20 installations. Pye Sone Kyaw explique que la détection de des fumeurs n’est pas aussi simple qu’il n’y paraît: les cigarettes sont petites et en partie camouflées, elles ressemblent à d’autres objets (pailles, doigts) et la détection de la fumée ou de l’extrémité incandescente est sujette à erreur. Il ajoute que l’utilisation de la pose des personnes donne trop de faux positifs. Sans oublier les contraintes de capacités de l’IA périphérique et le fait qu’il faut éviter de compter plusieurs fois le même fumeur.
«Toutes ces observations, issues de nombreuses expériences, ont permis de comprendre qu'un modèle de détection de bout en bout n'était pas réalisable, en particulier dans le contexte de l'IA périphérique, avec ses limitations de calcul inhérentes et la taille relativement petite des modèles, associées à la nécessité d'une détection quasi-instantanée», explique le spécialiste.
Les systèmes du marché peinant à afficher une performance suffisante dans les conditions réelles, les ingénieurs de GovTech Singapour ont développé leur propre modèle IA. Fruit de plusieurs essais et améliorations, ce dernier opère ainsi: il identifie les têtes, il suit leur mouvement, il détermine si elles fument, et il élimine les têtes qui avaient déjà été identifiées.
«De la première à la troisième version de Balefire, ces décisions stratégiques, associées à une mise au point continue du modèle à l'aide des données recueillies tout au long du projet, ont permis de réduire les faux positifs et les comptage dupliqués d'environ 90%, tout en maintenant un taux élevé de vrais positifs et en réduisant au minimum les faux négatifs», explique Pye Sone Kyaw.
Pour les données d’entraînement, ils ont recouru aux enregistrements vidéo des expérimentations précédentes qui ont été annotées en mode semi-supervisé. Les spécialistes ont aussi délibérément ajouté des profils sujets à erreur de l’IA, comme des personnes portant un casque ou en train de boire et manger.
«Qu'il s'agisse d'améliorer la prestation des services publics ou d'explorer de nouveaux domaines d'application de l'IA, l'avenir de l'IA périphérique regorge d'opportunités de mettre cette technologie révolutionnaire au service du bien public», conclut l’ingénieur.