Scan des plaques d’immatriculation

Recherche automatisée de véhicules: le projet fribourgeois tombe à l'eau (update)

par Yannick Chavanne et René Jaun et traduction/adaptation ICTjournal

Les gouvernements fribourgeois et lucernois voulaient permettre à la police d'utiliser des systèmes de recherche automatique de véhicules et de conserver ces données. Mais le Tribunal fédéral a annulé plusieurs articles de la loi lucernoise, forçant également Fribourg à renoncer à son projet en la matière. De son côté, le canton de Berne a décidé de maintenir son système.

(Source: banglds / Fotolia.com)
(Source: banglds / Fotolia.com)

Mise à jour du 19 novembre 2024: La récente décision du Tribunal fédéral, qui a annulé plusieurs articles d’une nouvelle loi lucernoise sur la police (lire ci-dessous), touche le canton de Fribourg. La RTS rapporte en effet que le Conseil d’Etat fribourgeois prévoyait de présenter prochainement  au Grand Conseil un projet de loi afin d'équiper la police cantonale de nouveaux dispositifs dédiés à la surveillance des espaces publics. Le texte présente des similitudes avec celui du canton de Lucerne. 

Il s'agit par exemple d'autoriser leur police à utiliser un système de lecture automatisée des plaques d'immatriculation, avec la possibilité de stocker les données récoltées et de les partager avec d'autres cantons. Le système permet en outre de vérifier si des véhicules liés à des enquêtes criminelles ont emprunté un itinéraire donné, en indiquant l'heure et la direction de leur passage. Installé dans un véhicule de patrouille, le système que la loi fribourgeoise souhaite autoriser peut également détecter en temps réel si une plaque d'immatriculation correspond à une alerte dans une base de données de la police.

«Toute surveillance dans l'espace public est une atteinte grave à la sphère privée et au droit à l'autodétermination informationnelle. Cela supposerait qu'il faille traiter les informations d'un grand nombre de personnes dont on n'a pas de raisons de traiter les données», explique à la RTS Sylvain Métille, avocat et spécialiste en protections données. 

La décision du Tribunal fédéral met donc un terme au projet fribourgeois. D’autres cantons pourraient encore être concernés et obligés de revoir leur cadre légal.

Mise à jour du 18 novembre 2024: Berne maintient la recherche automatisée de véhicules (update)

Les systèmes bernois de recherche automatisée de véhicules restent en service, a fait savoir la direction de la sécurité du canton. Avec ce communiqué, l'autorité réagit à l'arrêt du Tribunal fédéral concernant la loi sur la police de Lucerne, rendu public début novembre (lire ci-dessous).

Les conséquences de ce jugement pour le canton de Berne ont été examinées, écrit la commission de sécurité. Elle est arrivée à la conclusion que la recherche automatisée de véhicules pouvait continuer à être utilisée. 

Pour justifier sa décision, la direction de la sécurité renvoie à la loi bernoise sur la police, qui diffère «sur des points essentiels» des règles lucernoises. La loi bernoise «prévoit l’utilisation de la recherche automatisée de véhicules principalement à des fins d’identification et de prévention d’infractions et non pas essentiellement à des fins de poursuite pénale. La recherche automatisée de véhicules sert notamment à identifier et à combattre la criminalité organisée, comme le trafic de drogue», indique la direction de la sécurité cantonale. En outre, la réglementation bernoise est plus proportionnelle et tient compte de différentes exigences établies par le Tribunal fédéral. 

Il reste à voir si le Tribunal fédéral partage l'avis du canton. Comme l'indique le communiqué, un recours contre la réglementation bernoise a été déposé auprès du Tribunal fédéral. La procédure est en cours. Le recours n'ayant pas d'effet suspensif, les dispositions sont applicables et la recherche automatisée de véhicules continue d'être utilisée dans le canton de Berne.

News du 11 novembre 2024: Le Tribunal fédéral met à mal les projets de recherche automatique de véhicules

Le canton de Lucerne doit remanier sa loi sur la police. Le Tribunal fédéral annule plusieurs de ses dispositions. L’instance judiciaire suprême déclare par exemple invalide la réglementation sur la recherche automatique de véhicules. Le canton voulait l'utiliser en particulier pour la poursuite pénale mais n'a pas de compétence législative dans ce domaine. «Les mesures de surveillance aux fins de poursuite pénale nécessitent au contraire une base légale dans le code de procédure pénale suisse», souligne le Tribunal fédéral dans un arrêt du 17 octobre 2024. Et au vu du champ d'application résiduel, «l'enregistrement, l'exploitation et la conservation des données, à grande échelle, constituent une atteinte disproportionnée aux droits fondamentaux.» C'est pourquoi il faut supprimer le règlement dans son ensemble, explique la haute juridiction. 

Les juges ont également critiqué la réglementation sur l'échange de données policières inscrite dans la loi. Avec la procédure d'appel, les données qui seraient stockées sur la plateforme de données policières «POLAP», en projet, pourraient être directement accessibles. Une demande d'assistance administrative préalable ne serait pas nécessaire, ce qui compliquerait le contrôle et la protection juridique. Dans sa loi sur la police, le canton de Lucerne ne limite donc ni les catégories de données, ni les finalités du traitement, ni le cercle des personnes autorisées à y accéder. «La réglementation litigieuse ne constitue pas une base légale suffisamment précise pour une atteinte aussi grave au droit à l'autodétermination en matière de données et contrevient en outre au principe de proportionnalité», estime l’instance judiciaire. 

Le Tribunal fédéral ne voit pas non plus de base légale suffisamment précise pour l'utilisation de systèmes algorithmiques complexes (reconnaissance faciale automatisée comprise) dans le domaine de la délinquance en série. Une application de l'article conforme à la Constitution est toutefois possible en cas d'utilisation de systèmes d'analyse «simples». Ces derniers font appel à des analystes humains et les données sont saisies manuellement, précise l'instance. 

Lucerne n'est pas le seul canton à devoir corriger le tir

L'arrêt du Tribunal fédéral ne devrait pas seulement préoccuper le canton de Lucerne, car il n'est pas le seul à vouloir introduire dans la loi la recherche automatique de véhicules. En effet, Lucerne a basé sa législation sur une recommandation de la Conférence des directrices et directeurs des départements cantonaux de justice et police (CCDJP), indique le média Der Beobachter.  A la suite de cette décision, il convient de réexaminer la recherche automatique de véhicules dans chaque canton et de vérifier ce qui est possible en accord avec les droits fondamentaux. 

De son côté, le Parti pirate signale quant à lui que la loi sur la police bernoise entrera en vigueur en août 2024. Celle-ci contient également des passages sur l'utilisation de scanners de plaques d'immatriculation, similaires à ceux que le tribunal vient de déclarer illégaux dans le cas du canton de Lucerne. 
 

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