Interview COO

Kim-Andrée Potvin, BNP Paribas Suisse: «Nous sommes bien plus dans une démarche test & learn»

Cybersécurité, bureau flexible, robotic process automation, expérience client, BNP Paribas Suisse est engagé dans un vaste programme de transformation du back office au front office. En entretien avec ICTjournal, Kim-Andrée Potvin, Chief Operating Officer, explique pourquoi et comment BNP Paribas s’organise pour accélérer l’innovation en son sein.

Kim-Andrée Potvin, BNP Paribas Suisse: "Nous avons changé de culture et appris à renoncer à un projet qui ne répond pas au besoin exprimé." (Photo: Karine Bauzin)
Kim-Andrée Potvin, BNP Paribas Suisse: "Nous avons changé de culture et appris à renoncer à un projet qui ne répond pas au besoin exprimé." (Photo: Karine Bauzin)

BNP Paribas Suisse est engagée dans un vaste programme de transformation. Quels métiers sont concernés?

Notre plan de transformation concerne nos 1400 collaborateurs et les trois lignes de métiers que nous avons en Suisse: la banque privée, le financement du négoce des matières premières et la clientèle corporate et institutionnelle. Nous voulons moderniser l’entièreté de la chaîne de valeur, c’est-à-dire le front mais aussi le back office. L’objectif est à la fois de mieux servir nos clients et d’améliorer nos méthodes de travail en interne, en étant plus efficace et plus mobile, au bénéfice de nos clients.

La Suisse fait naturellement office de centre de gravité pour les initiatives du groupe touchant à la cybersécurité.

Cette démarche est-elle limitée à la Suisse ?

Jean-Laurent Bonnafé, CEO de BNP Paribas, a indiqué en début d’année que nous allions investir 3 milliards d’euro dans notre transformation digitale à l’horizon 2020. Donc, la transformation ne concerne pas que la Suisse. Nous avons commencé à y travailler sérieusement il y a deux ans. Un processus d’idéation a permis d’identifier les domaines les plus importants et la feuille de route a été répartie entre les grands sites du groupe selon les affinités et les compétences. Ainsi, par exemple, la Suisse fait naturellement office de centre de gravité pour les initiatives du groupe touchant à la cybersécurité. Tandis que le domaine de l’expérience client dans la banque privée est piloté par Paris, mais nous sommes impliqués.

Quels axes d’innovation privilégiez-vous en Suisse?

Nous partons de nos besoins. Les idées viennent des collaborateurs qui réfléchissent au moyen de mieux servir nos clients et d’être plus efficients. Nous avons ainsi déterminé plusieurs thématiques prioritaires pour nos activités en Suisse. Outre la cybersécurité, nous avons une équipe à Genève qui travaille sur la robotisation, la RPA (robotic process automation). Le domaine est prometteur et nous pensons pouvoir améliorer grandement notre efficacité vu la taille de nos opérations en Suisse. Nous avons également une équipe dédiée au data management: nous voulons passer de la visualisation à la prédiction basée sur les données. A cela s’ajoute notre priorité d’être plus mobile tant dans les services proposés aux clients qu’à l’interne avec le «mobile and home working» Nous mettons actuellement en place un concept de télétravail et de bureau flexible. L’idée étant qu’un collaborateur puisse changer de place de travail au gré des projets qu’il traite Dans ce cadre, nous faisons partie des premières sociétés à expérimenter le système d’authentification biométrique par les veines de la start-up Biowatch.

Comment articulez-vous l’innovation en interne avec les technologies qui émanent de start-up?

Nous partons de l’idée, ensuite nous constituons une équipe projet qui réunit différents profils, dont l’IT. L’équipe pluridisciplinaire définit ensuite plus précisément le besoin et réalise un proof of concept. Lorsque nous ne sommes pas en mesure de développer la solution nous-mêmes, nous faisons appel à une expertise externe. Si je prends le domaine de la cybersécurité, nous avons déjà eu les deux cas de figure et nous avons notamment collaboré avec une fintech israélienne.

Donc vous ne partez pas à la pêche aux start-up en quête d’idées?

Non, effectivement, c’est un choix. Nous avons rencontré d’autres sociétés qui font de la prospective, mais nous préférons partir du besoin. Il existe quantité d’événements et on peut courir les pitchs de start-up, mais à la fin on n’a pas forcément un ensemble cohérent répondant à un besoin identifié. Lorsque nous rencontrons une start-up avec laquelle il n’y a pas d’accroche, nous essayons de la réorienter vers d’autres entreprises.

Les équipes sont-elles détachées à temps plein pour travailler sur les projets de transformation?

Cela dépend de la thématique, de la taille du projet et de sa durée. Si je prends pour exemple le thème de l’expérience client dans la banque privée, le projet est conduit par des équipes au Luxembourg, à Singapour et en Suisse – nos trois principaux sites dans cette activité. Les collaborateurs sont détachés temporairement à plein temps et travaillent en mode agile avec plusieurs sprints pour avoir une solution prête à déployer au bout de 12 semaines. En revanche, nous avons un projet de workflow dans le négoce des matières premières pour gérer la documentation sur l’entièreté de la chaîne de valeur, qui est conduit sur une plus grande durée. Il implique beaucoup de collaborateurs différents qui ne dédient que quelques heures par semaine à des ateliers servant au projet.

L’une des nouveautés pour l’IT c’est d’être associée aux projets dès le début en mode itératif avec les clients, et non plus après l’expression des besoins.

Est-ce que vous tuez les projets qui n’apportent pas de résultats?

Oui, et c’est d’ailleurs assez en rupture par rapport à la façon dont nous travaillions avant. Nous avons changé de culture et appris à renoncer à un projet qui ne répond pas au besoin exprimé. Nous avons aussi des spécialistes techniques qui évaluent très en amont les chances de succès du projet. Nous sommes donc bien plus dans une démarche «test and learn» dans laquelle nous limitons les risques et apprenons de nos échecs. Si un prototype ne plaît pas au client final, cela nous permet de développer quelque chose de meilleur, plus vite…

Dans quelle mesure ces méthodes d’innovation agiles se diffusent-elles dans les opérations informatiques?

Le changement n’a pas été simple, mais l’informatique a été impliquée dès le début, de sorte que tout le monde a découvert cette nouvelle manière de travailler en même temps. L’une des nouveautés pour l’IT c’est d’être associée aux projets dès le début en mode itératif avec les clients, et non plus après l’expression des besoins. C’est un repositionnement: l’informatique devient actrice de la transformation et non plus exécutante. Il a fallu faire attention à ce que l’IT fasse aussi preuve d’une plus grande ouverture d’esprit et ne tue pas des projets trop vite ! Que ce soit dans la sécurité, la RPA ou le data management, nous avons pris le parti de former nos collaborateurs plutôt que d’être dans la résistance ou de devoir faire appel à des prestataires externes. Nous voulions à tout prix éviter d’avoir une informatique «has been» d’un côté et des fintech cool en jeans et baskets de l’autre. Il fallait que tout le monde soit cool ! (rit).

Y a-t-il eu beaucoup de changement dans vos équipes IT?

Il y a eu des changements, mais pas beaucoup. Nous avons un plan de croissance à l’horizon 2020, l’IT en fait partie. Nous savons que, pour y répondre, nous devons nous doter de compétences que nous n’avons pas, tandis que d’autres compétences deviennent moins nécessaires. Nous en parlons ouvertement avec les collaborateurs concernés. Pour certains sujets, nous formons nos collaborateurs sur des postes à plus forte valeur ajoutée. Sur d’autres sujets, nous recrutons des spécialistes sur le marché. L’évolution des compétences dont nous avons besoin entraîne invariablement une adaptation de nos effectifs.

Vous avez récemment nommé un nouveau responsable IT. Ce changement est-il lié à la transformation en cours?

Pas directement. Mais l’arrivée d’un nouveau responsable apporte naturellement un vent nouveau qui contribue au changement.

La robotic process automation est intéressante dès lors que vous avez des tâches simples et répétitives sur de gros volumes.

Vous avez évoqué vos projets de RPA. Comment appliquez-vous cette technologie?

La robotic process automation est intéressante dès lors que vous avez des tâches simples et répétitives sur de gros volumes. Dans la banque, le potentiel est très important et beaucoup de processus sont éligibles: dans les opérations bien sûr, mais aussi dans le juridique, la conformité et même au front. Pour schématiser, la RPA ressemble à une macro Excel sophistiquée, qui va chercher et réunit des informations issues de multiples tables et outils sur la base d’un script. Avec un atout sécuritaire important pour le domaine bancaire, c’est que les robots possèdent un matricule et que l’on peut savoir exactement que tel robot a effectué telle tâche à tel moment. Enfin, la RPA représente un premier pas vers l’intelligence artificielle, une technologie que nous comptons exploiter de façon plus avancée dans le domaine du prédictif.

Où en est votre projet de mobilité et de bureau flexible en interne?

Nous avons démarré il y a deux ans. Nous avons commencé par faire un rattrapage conséquent. Pour vous donner un exemple, nous n’avions pas de wifi dans les immeubles, alors qu’il est tout à fait possible de le proposer de manière sûre aux clients qui nous rendent visite. Autre exemple, nous avions des Blackberry et aujourd’hui nous avons des iPhone et des iPad. Les collaborateurs peuvent accéder de manière sécurisée à leurs e-mails en déplacement et un relationship manager pourra bientôt sortir sa tablette pour échanger avec le client à propos de son portefeuille. Ce n’était pas possible il y a un an et demi. Nous entrons maintenant dans une deuxième étape où il s’agit de profiter de ces technologies pour rendre notre manière de travailler plus flexible. Il s’agit typiquement de pouvoir se déplacer dans un autre bureau pour travailler avec un collègue sur un projet commun, ou de travailler à domicile si le métier le permet. Nous analysons actuellement qui est éligible, sachant que tout le monde veut en faire partie. Nous nous appuyons aussi sur l’expérience du groupe qui a conduit des projets similaires dans d’autres pays.

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