Ne pas se débarrasser des fax
Pour répondre à l'inattendu, il vaut mieux se réserver autant d'options que possible...
Les systèmes informatiques ont été décisifs dans la réponse apportée au Covid. On s’en souvient, grâce aux équipements mobiles, aux outils collaboratifs, les employés de quantité de secteurs et fonctions ont pu continuer à travailler malgré leur confinement, tandis qu’une grande partie de l’activité économique basculait dans le numérique et l’e-commerce, sans oublier les dispositifs déployés pour surveiller le respect des mesures sanitaires.
La crise a aussi rendu visibles les lacunes en matière de numérisation. Ainsi, on a ri ou pleuré de voir que l’OFSP ne disposait pas de système informatisé pour recevoir et consolider les données sur la pandémie, et que l’office en était réduit à les saisir manuellement ou même à peser les masses de formulaires reçus par fax. L’expérience a ancré dans les esprits que le numérique était un facteur de résilience et légitimé la poursuite de la numérisation, voire les appels à l’accélérer.
C’est un gros malentendu. Si le numérique a été d’un grand secours lors du Covid, cela tient à la nature de la crise où la réduction du risque passait par la mise à distance des humains. Rien ne dit cependant que l’IT sera décisive dans la prochaine crise. Le développement de la numérisation pourrait même avoir les effets contraires si nous avons affaire à des coupures de courant ou à des cyberattaques de grande ampleur.
Au lieu de tirer des leçons du passé sur ce qu’il va se passer à l’avenir et ce qu’il s’agit par conséquent d’optimiser, on ferait bien d’en tirer sur la manière et nos capacités de répondre aux aléas. A ce titre, on a sans doute beaucoup à apprendre de la façon dont les organisations se sont mobilisées dans l’urgence de la pandémie. En échangeant avec des responsables IT dans les semaines qui ont suivi le confinement, j’ai pu constater l’engagement et l’ingéniosité mis en œuvre par leurs équipes pour bricoler des solutions et improviser des modes d’organisation. En y repensant, j’ai un autre regard sur l’affaire OFSP dans laquelle je ne vois plus seulement un défaut de numérisation, mais une manière astucieuse de faire avec les moyens du bord.
Cela pourrait d’ailleurs servir de boussole dans une optique de résilience: s’assurer lorsqu’on numérise un processus que cela n’entrave pas les capacités et possibilités de bricolage et d’improvisation des équipes. Et qui sait, conserver quelques fax dans les tiroirs pourrait s’avérer utile un jour...
> Les articles de notre dossier sur la résilience et l'IT:
Quel rôle pour l’IT dans la résilience?
Pierre-Yves Niederhauser, Eraneos: «Peut-être faudrait-il encourager et provoquer le Shadow IT»
Edzo Botjes: «L’efficacité s’oppose en quelque sorte à la résilience»