Caecilia Charbonnier, Dreamscape: «Nous ne sommes pas près de voir un métavers standardisé»
Dreamscape a ouvert à Genève son premier centre européen de réalité virtuelle immersive. Cofondatrice de la société, Caecilia Charbonnier se confie notamment sur les technologies développées pour ces centres et les projets de collaboration avec les organisations de la région.
En quoi les expériences que vous proposez dans les centres Dreamscape sont-elles différentes d’un jeu vidéo en réalité virtuelle?
Née à Genève, la technologie de Dreamscape, que nous développons depuis maintenant six ans, est issue du laboratoire Artanim que j’ai cofondé, spécialisé dans la capture de mouvements. L’un des axes de recherche s’est orienté vers la réalité virtuelle qui, à l’époque, nous paraissait encore très limitée. L’utilisateur restait immobile, ne percevait pas l’ensemble du corps de son avatar et l’expérience était rarement partagée. Dans les centres Dreamscape, les expériences permettent de se mouvoir dans une vaste salle équipée de caméras qui enregistrent les mouvements des utilisateurs et leur position. Cette salle a les mêmes dimensions que le monde virtuel que l’on explore. A l’aide de senseurs placés sur le corps, nous générons l’animation complète des avatars. Il est dès lors possible de voir son corps et ses mains, mais aussi les autres avatars qui partagent la même expérience. Et pour créer encore davantage d’immersion, des éléments physiques placés dans le décor correspondent à des éléments du monde virtuel et fournissent des sensations haptiques. Il y a aussi des ventilateurs, des odeurs, etc.
Dreamscape a annoncé vouloir collaborer avec les organisations locales. De quelle manière?
Le centre genevois propose l’expérience historique «Genève 1850», qui va dans le sens de cas d’usage moins exclusivement axés sur le divertissement, avec une composante éducative. Nous avons le projet de tester d’autres expériences de ce type, pourquoi pas dans le domaine de la physique en collaboration avec le CERN. On pourrait également imaginer des partenariats avec des organisations internationales de la région pour créer des expériences à des fins de sensibilisation, par exemple sur la thématique de l’écologie. Au-delà de la création de contenus originaux, on pourrait aussi mettre en place des partenariats de développement technologique avec le monde académique.
Les systèmes mis au point par Dreamscape peuvent-ils être intéressants pour une utilisation en entreprise?
Notre technologie est déjà exploitée pour des applications de téléprésence dans le domaine éducatif. On a noué un partenariat avec l’Arizona State University, pour qui nous créons des cours en réalité virtuelle immersive. Il y a également du potentiel pour les formations à distance. Nous développons des produits dans ce sens.
Sur quoi se concentrent en ce moment vos recherches technologiques?
Nous travaillons sur des solutions qui nous permettront de ne plus avoir recours à des senseurs disposés sur le corps des utilisateurs pour capturer les mouvements. Nous avons déjà mis au point des prototypes fonctionnels, qui font appel à des technologies de vision par ordinateur et à du machine learning. Des algorithmes sont entraînés à détecter les points définissants le squelette de personnes sur des images vidéo.
Comment se positionne Dreamscape par rapport au marché émergent du métavers?
Je ne considère pas Dreamscape comme appartenant à ce marché même s’il est vrai que ses acteurs pourraient s’intéresser à nos outils. Mais à mes yeux, le concept de métavers correspond avant tout à des mondes virtuels exploitant le Web3, où les utilisateurs sont interconnectés dans une réalité alternative et où il est possible d’accéder à des services, d’acheter des actifs numériques, etc. Même si certaines entreprises comme Meta créent leur propre monde immersif, je crois que nous ne sommes pas près de voir un métavers standardisé et interopérable, avec des univers interconnectés.