Entretien avec les spécialistes de Webhelp sur l'évolution du service client
Société leader dans le domaine de la relation client, Webhelp gère les opérations de service à la clientèle pour de nombreuses grandes entreprises dans le monde. En entretien avec ICTjournal, Hanane Samlani, Responsable de comptes, et Mathieu Jougla, Directeur Innovation, expliquent l’impact actuel et futur des développements technologiques sur le service client.
> notre article sur le futur du service client
Les clients recourent de plus en plus à une grande variété de canaux numériques pour contacter le service client. Comment organisez-vous vos opérations pour répondre à cette évolution?
Hanane Samlani: Il n’y a en effet plus de projet monocanal. Les utilisateurs passent d’un canal à l’autre et sont frustrés s’ils doivent répéter les informations ou si le temps d’attente est trop long. L’enjeu consiste donc à être rapide, efficace et à offrir une expérience homogène au client. Pour y parvenir, de plus en plus d’entreprises recourent à des CRM qui centralisent et permettent le partage des informations issues des différents canaux. Ces solutions représentent un investissement mais leur ROI est significatif. Au niveau des opérations, l’organisation multicanal dépend à la fois des attentes de l’entreprise et du profil de ses clients. Parfois les équipes et les processus sont mutualisés, parfois ils sont distincts pour chaque canal. Il faut aussi tenir compte des particularités de chaque média en termes de timing, de profil d’utilisateur et de type de requête. C’est pourquoi nous démarrons les projets avec une phase pilote de trois mois et que nous suivons ensuite l’évolution des demandes pour adapter et améliorer la partie opérationnelle en continu.
Quels sont les progrès dans la catégorisation automatique des requêtes?
Mathieu Jougla: Certaines entreprises catégorisent les e-mails en fonction de mots-clés, mais ces solutions atteignent vite leurs limites. Sans sémantique, ces outils ne comprennent pas certaines subtilités – les négations, les émotions – si bien que leur pertinence est discutable, sans compter qu’ils sont lourds à mettre en œuvre. Avec l’intelligence artificielle on peut désormais aller plus loin et obtenir des résultats plus fins et pertinents. Il faut cependant avoir un volume d’activité suffisant pour disposer d’assez de données d’entraînement.
On parle aussi d’assistants intelligents qui écouteraient les conversations pour faire des suggestions aux agents en temps réel…
MJ: La possibilité technique existe, mais la vraie difficulté c’est d’être pertinent. Les suggestions de l’intelligence artificielle n’ont d’intérêt que si elles apportent une véritable information à l’agent. Si c’est pour aviser l’agent que le client est énervé, cela ne sert pas à grand chose… Je pense en revanche que l’intelligence artificielle a un potentiel important pour répondre aux questions simples ne nécessitant que peu de contextualisation, soit environ 20% des volumes. Nous travaillons d’ailleurs sur une telle solution à même d’interpréter les demandes vocales des clients, soit pour y répondre directement, soit pour les rediriger vers le service compétent. Ces projets requièrent aussi de revoir et d’améliorer les FAQ qui viendront alimenter les réponses fournies par l’intelligence artificielle.
Comment voyez-vous votre entreprise dans dix ans? Serez-vous une société spécialisée dans l’intelligence artificielle?
MJ: Je pense que d’ici cinq à sept ans, une part significative des demandes sera traitée automatiquement. En revanche, les demandes complexes nécessitant de l’empathie, de la réassurance, de la prise de décision, de l’interprétation, continueront d’être traitées par des agents. Il y aura donc une montée en complexité des requêtes traitées par les agents.
HS: Il n’est guère envisageable que le chatbot remplace l’humain. L’objectif consiste davantage à replacer les collaborateurs sur des requêtes à forte valeur ajoutée pour le client final. La récupération du duplicata d’une facture ou l’explication de cette même facture entrent parfaitement dans le scope d’un chatbot. En revanche, si le client fait une réclamation sur un trop perçu ou souhaite mettre en place des échéances de paiement adaptées, il faut impérativement l’accompagnement et l’écoute d’un humain.
Quel est l’impact du self care sur votre activité?
MJ: Nous constatons clairement une croissance de l’utilisation du self-service, notamment chez les jeunes, qui est pour beaucoup liée aux progrès technologiques. Il est par exemple très pratique d’obtenir des réponses rapides sur une app mobile. On nous demande d’ailleurs parfois d’accompagner ces transitions. Nous travaillons par exemple avec une agence pour l’emploi où notre rôle consistait par le passé à assister les utilisateurs lors de leur démarche d’inscription. L’agence ayant entièrement refaçonné ses outils et ses processus, notre rôle est dormais d’aider les utilisateurs à employer le site web et les apps mobiles de l’agence. Nous les aidons à remplacer le canal téléphonique par le self-service numérique.
Quelles sont les conséquences de ces évolutions sur les profils des agents?
HS: Nous avons quelque 35'000 collaborateurs pour la partie opérationnelle. On ne peut pas changer les profils du jour au lendemain, mais on peut les adapter. Le développement des compétences des agents est donc essentiel pour répondre à la fois à des évolutions globales et à des besoins spécifiques à un projet. Un échange sur un chat est par exemple très différent d’une réponse par e-mail ou encore de l’interaction sur un réseau social. Les attentes diffèrent, le langage diffère, le ton diffère, etc. Nous accompagnons les collaborateurs pour qu’ils développent ces aptitudes tout au long de leur carrière. Sans compter que nous ne sommes pas uniquement actifs dans le service client, nous faisons aussi de la modération, du développement commercial, ou encore du social listening. Autant de domaines où il faut aussi des compétences particulières.
A propos de Webhelp
Société française fondée en 2000, Webhelp est un leader mondial de l’expérience client et de l’externalisation des processus métiers (BPO). L’entreprise s’appuie sur un réseau multicanal et multilingue de plus de 35’000 conseillers répartis dans plus de 100 sites dans le monde, dont deux en Suisse. Elle compte plus de 500 clients et elle est en contact avec plus de 500'000 consommateurs chaque jour. Avec un chiffre d’affaires multiplié par 3 en 5 ans pour atteindre 886 millions fin 2016, le groupe connaît la plus forte croissance de son secteur. Webhelp est détenu par sa direction et KKR, fonds d’investissement majeur à l’échelle internationale, depuis mars 2016.