Le manque de spécialistes IT en Suisse engendre une perte de création de valeur de 31 milliards
Alors qu’en Suisse, la pénurie d’informaticiens est partie pour se poursuivre, celle-ci impacte l'économie du pays en termes de perte de création de valeur. Digitalswitzerland estime ce coût à 31 milliards de francs d'ici 2030.
En complément de la nouvelle étude d’ICT-Formation professionnelle Suisse consacrée à la pénurie de spécialistes IT en Suisse, Digitalswitzerland a publié un rapport qui vise à estimer le coût de cette situation pour l'économie suisse, en termes de perte de création de valeur. Car ce besoin, évalué à 38'700 spécialistes d’ici 2030, a un impact économique: délocalisation de postes mais aussi mandats refusés faute de pouvoir disposer de spécialistes locaux.
Selon les calculs de l'Institut d'études économiques de Bâle (IWSB), mandaté par Digitalswitzerland, on peut ainsi s'attendre à une perte cumulée de valeur ajoutée qui pourrait atteindre 31 milliards de francs d'ici 2030. Ce chiffre se base sur la répartition de la pénurie prédit pour 2030 sur les années qui précèdent, les prévisions conjoncturelles et les changements structurels anticipés, ainsi que sur les données de l’OFS sur la productivité du travail par secteur.
La pénurie ne serait toutefois pas prise suffisamment au sérieux, affirme l’association faîtière, notamment car la croissance du personnel IT et de leurs salaires laisse à penser que la situation n’a rien de problématique. Or, les experts, qui observent une perte de compétitivité de la Suisse, estiment que la pénurie de spécialistes du numérique va accentuer ce phénomène. Par rapport à d’autres pays européens dont les voisins de la Suisse, la part d'informaticiens parmi les actifs a tendance à stagner (voir graphique ci-dessous).
(Source: Eurostat, 2022)
Dysfonctionnement identifiés
Cette étude complémentaire met le doigt sur un dysfonctionnement des rouages habituels de l'économie de marché. La numérisation et le besoin accru en spécialistes IT favorisent un processus d’adaptation: des offres d'emploi plus attractives, le renforcement des dépenses pour la formation et le perfectionnement des employés. Mais trois paramètres empêchent ce cercle vertueux de bénéficier à l’économie: le champ professionnel des TIC croît trois fois plus vite que le marché de l'emploi en général; les cycles de formation s'étendent sur plusieurs années; le pool de personnes intéressées les mathématiques, les technologies de l'information, les sciences et les technologies (STEM) est en stagnation depuis des années.
Pas d'incitation à s’engager dans la formation de spécialistes
En outre, Digitalswitzerland se demande pourquoi les entreprises suisse ne luttent pas plus activement contre la pénurie en s'engageant davantage dans la formation de personnels qualifiés dans l'informatique. Pour l’expliquer, l'association évoque le concept de «tragédie des communs»: alors que certaines entreprises s'engagent dans la formation, d'autres verraient plus d’intérêt à profiter de ces efforts sans y contribuer. Pour inciter les entreprises à davantage s’engager en la matière, Digitalswitzerland mentionne la possibilité prévue par la l’article 60 de la loi fédérale sur la formation professionnelle, de créer un fonds. Dans ce cadre, toutes les entreprises d’une même branche versent des contributions de solidarité adéquates. Le hic: les spécialistes TIC sont nécessaires en tant que fonction transversale dans tous les secteurs. Il n'est donc pas possible juridiquement d'obliger toutes les entreprises de s'acquitter de ces contributions.