Marcher malgré une paralysie: quelle interface cerveau-machine?
Une équipe de chercheurs franco-suisse a développé une interface cerveau-machine qui a permis à une personne paraplégique d’actionner ses jambes par la pensée. L’article des chercheurs dans le revue Nature détaille les technologies électroniques et algorithmes impliqués.
A Lausanne, une personne paralysée des jambes a pu marcher à l’aide d’une interface cerveau-machine capable de transformer ses pensées en action. Cette prouesse a été rendue possible grâce aux travaux d’une équipe franco-suisse, composée de chercheurs de l’EPFL, du CHUV, de l’université de Lausanne et du CEA de Grenoble.
«Nous avons développé un pont digital sans fil entre le cerveau et la moelle épinière en utilisant la technologie Brain-Computer Interface (BCI) qui transforme la pensée en action», résume dans le communiqué du CHUV Grégoire Courtine, Professeur en neurosciences à l'EPFL, au CHUV, et à l'UNIL. Publié dans le revue Nature, l'article des chercheurs détaille les technologies électroniques et IT impliquées dans l’interface digitale sans fil reliant le cerveau et la moelle épinière de Gert-Jan, 40 ans, devenu paraplégique à la suite d’un accident de vélo. L’interface lui a permis de se tenir debout, de marcher et de monter un escalier.
Deux types d'implants électroniques
Couplés à des antennes disposées sur un casque, deux types d'implants électroniques différents sont nécessaires pour créer ce pont numérique. Des dispositifs WIMAGINE sont placés au-dessus de la région du cerveau qui est responsable des mouvements des jambes. Ce dispositif décode les signaux électriques générés par le cerveau. Une antenne à ultra-haute fréquence transfère les signaux à une station de base portable et à une unité de traitement, qui génère des prédictions en ligne des intentions motrices sur la base de ces signaux, lit-on dans l’article scientifique. Les intentions motrices décodées sont ensuite converties en commandes de stimulation, qui sont quant à elles transmises à un implant ACTIVA RC qui délivre les signaux électriques aux zones de la racine dorsale ciblées.
Algorithmes d’intelligence artificielle
Le système qui décode les signaux générés au niveau du cortex implique des algorithmes basés sur des méthodes d’intelligence artificielle adaptatives. Dans un premier temps, sont extraites les caractéristiques spatiales, spectrales et temporelles des signaux associés au désir de bouger les membres inférieurs. Pour ce faire, le sujet a été invité à effectuer des mouvements de la hanche, du genou et de la cheville du côté gauche et du côté droit en position assise. «Cette cartographie a permis d'identifier les électrodes, les caractéristiques spectrales et les fenêtres temporelles qui capturaient la plus grande quantité d'informations liées au mouvement», expliquent les chercheurs dans leur article. Les configurations des implants corticaux et spinaux ont ensuite permis de calibrer le système sur la base d'un algorithme multilinéaire récursif. Un modèle détermine la probabilité qu'une articulation particulière soit destinée à bouger. En parallèle, l'amplitude et la direction du mouvement sont prédites à l'aide d'un algorithme fonctionnant indépendamment. Durant toute la phase d'étalonnage, les caractéristiques adaptatives des modèles ont permis une configuration progressive en temps réel.
Dans la partie «Discussion» de leur article, les chercheurs expliquent que l’une des limites de leur interface réside dans le fait qu’elle n’est pour l'heure validé que pour un seul individu. On peut en outre se demander dans quelle mesure c’est le système qui apprend à décoder les impulsions cérébrales, ou le patient qui apprend à penser de façon à faire fonctionner le système.