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La course mondiale à la ­domination en matière d’IA

par Swico

La Suisse joue-t-elle dans la cour des grands en matière d’IA ou reste-t-elle spectatrice? Alors que les États-Unis et la Chine renforcent leur position dominante, le Conseil fédéral met en place une stratégie pour leur emboîter le pas. Bien que la Suisse dispose de chercheuses et chercheurs et de talents, elle risque de se faire distancer si elle n’investit pas davantage.

(Source: thenort/AdobeStock.com)
(Source: thenort/AdobeStock.com)

Quiconque maîtrise l’intelligence artificielle dicte les règles du jeu de l’avenir. Les États-Unis débloquent des milliards pour développer des centres de données et une IA de pointe. La Chine, avec le soutien total de l’État, met en place une infrastructure d’IA, l’alimente en données, en puces et en capitaux et encourage les start-up de Deep Tech. L’Europe, avec sa réglementation et ses principes éthiques, concilie progrès technologique et responsa- bilité sociale, mais risque de se mettre elle-même des bâtons dans les roues.

Et la Suisse dans tout ça? Pendant longtemps, elle a observé, pesé le pour et le contre, sans s’affoler. Une stratégie intelligente – jusqu’à un certain point. Car quiconque tarde à se lancer dans le développement de l’IA risque de se retrouver relégué au rang de spectateur. Le Conseil fédéral vient de présenter son état des lieux sur la réglementation de l’intelligence artificielle. Voilà qui montre que la Suisse veut être de la partie. C’est une étape importante, mais encore faut-il que ce ne soit pas là une simple déclaration d’intention. 

Un site d’innovation qui a du potentiel, mais est-ce suffisant?

Les bases sont là. L’Institut Paul Scherrer ainsi que des universités et des hautes écoles, telles que l’ETH et l’EPFL avec le Swiss National AI Institute, figurent parmi les meilleurs au monde. À Zurich et à Lausanne, des chercheuses et chercheurs font avancer des développements hautement reconnus par la communauté scientifique internationale. Des start-up suisses occupent une position de leaders dans des domaines tels que l’apprentissage automatique, la robotique et la vision par ordinateur. Parallèlement, des géants internationaux de la technologie profitent de nos conditions-cadres et ont établi chez nous d’importants centres de recherche. Ainsi, Google exploite à Zurich le plus grand laboratoire de recherche en IA en dehors des États-Unis. Meta, IBM, Microsoft – et maintenant OpenAI – investissent également en Suisse.
Mais des bases solides ne suffisent pas. L’accès au capital, à la puissance de calcul et à des données de haute qualité devient de plus en plus crucial pour rester compétitif en matière de développement de l’IA. Dans ce domaine, les petits pays se retrouvent à la traîne s’ils ne se positionnent pas de manière judicieuse sur le plan stratégique. Les États-Unis et la Chine ont très tôt misé sur le développement de supercalculateurs et de centres de données dédiés à l’IA. Des entreprises comme OpenAI ou Anthropic bénéficient de financements massifs et d’approvisionnements exclusifs en puces. Pendant ce temps, l’Europe a élargi son approche, initialement ­fortement axée sur la réglementation, pour y inclure des mesures d’encouragement concrètes.

La Suisse occupe une position particulièrement difficile à cet égard. Elle ne fait pas partie des «alliés en matière de puces» des États-Unis (UE, Japon et Corée du Sud) et n’a donc aucun accès privilégié aux puces d’IA haute performance. Doit-elle donc miser sur ses atouts existants ou a-t-elle besoin d’investissements ciblés et de coopérations stratégiques? Le Conseil fédéral considère à juste titre l’IA comme une technologie clé pour l’innovation, la prospérité et le développement durable et mise en cela sur trois piliers centraux:

  • le renforcement de la Suisse comme lieu d’innovation;
  • la protection des droits fondamentaux, y compris de la liberté économique;
  • l’amélioration de la confiance de la population en l’IA.

Avec la ratification prévue de la Convention-cadre du Conseil de l’Europe sur l’IA, le Conseil fédéral souligne également que les principes éthiques ne sont pas négociables. La protection des droits fondamentaux et le respect de l’État de droit sont au cœur des préoccupations.

Du document stratégique à la mise en œuvre

Swico a activement contribué à l’élaboration des axes stratégiques du Conseil fédéral. Dès juillet 2024, l’association a publié une prise de position dans laquelle elle expliquait comment la Suisse pouvait devenir un pôle mondial de l’IA. Toutes les recommandations ont été prises en compte dans la stratégie du Conseil fédéral. Désormais, il s’agit de la mettre en œuvre. Un plan ­d’action détaillé doit être présenté d’ici fin 2025. Celui-ci comprend:

  • L’encouragement ciblé des start-up spécialisées dans l’IA à travers de nouveaux instruments de financement et un soutien à la mise à l’échelle
  • Le développement des centres de recherche et une coopération plus étroite entre les hautes écoles, l’économie et le secteur public
  • De nouvelles initiatives de formation afin de former davantage de spécialistes en IA et en technologies basées sur les données
  • L’établissement de pôles régionaux d’IA qui impliquent davantage les cantons dans l’encouragement de l’innovation
  • La garantie de l’accès au marché de l’UE, notamment dans le cadre de l’accord de reconnaissance mutuelle en matière d’évaluations de la conformité (ARM)

La décision de miser sur une réglementation neutre sur le plan technologique et principalement sectorielle tout en renforçant la responsabilité individuelle des secteurs est judicieuse. La question de l’accès aux ressources essentielles reste particulièrement épineuse. L’Allemagne bénéficie d’un partenariat étroit avec les États-Unis. La Suisse, quant à elle, doit sécuriser ses capacités de calcul en recourant à des services cloud coûteux ou à des coopérations. Les conditions-cadres réglementaires jouent également un rôle clé. Avec l’AI Act, l’UE fixe des limites claires, mais étriquées. Le Conseil fédéral, lui, veut créer un cadre favorable à l’innovation. Les sandboxes réglementaires pourraient offrir aux entreprises la liberté dont elles ont besoin pour tester l’IA dans des conditions réelles, sans entraves immédiates. Dans le secteur financier, ce principe a fait ses preuves.

Mettre à profit la neutralité de la Suisse

La situation géopolitique de la Suisse lui offre des opportunités qu’elle doit exploiter intelligemment. Alors que les États-Unis et la Chine avancent à grande vitesse et que l’Europe mise de plus en plus sur l’indépendance, son rôle de médiateur gagne en importance. La Suisse entretient des relations économiques étroites avec l’UE, a accès au marché intérieur, coopère intensivement avec les États-Unis et cultive de solides liens commerciaux avec la Chine.
Cet équilibre représente un avantage lorsqu’il s’agit d’accéder à des marchés, des talents et des technologies. Alors que d’autres pays sont limités par des tensions politiques, la Suisse est en mesure de nouer des alliances et de tirer profit de différentes structures.

Conclusion: Swico réclame des priorités claires dans la mise en œuvre

Pour que la Suisse reste un site fort en matière d’IA, et pas seulement dans les textes, des mesures décisives s’imposent afin de renforcer réellement sa position. Swico a isolé cinq priorités centrales:

  • La Convention-cadre du Conseil de l’Europe sur l’IA doit être mise en œuvre avec discernement afin de ne pas entraver l’innovation.
  • Des sandboxes réglementaires doivent être introduites rapidement afin que les entreprises puissent expérimenter dans des conditions proches de la pratique.
  • L’accès aux ressources essentielles – du matériel informatique haute performance aux données, en passant par les spécialistes – doit être garanti à long terme.
  • La mise en réseau internationale et l’accès aux marchés nécessitent une politique commerciale prospective.
  • Le secteur des TIC doit être impliqué en tant que partenaire clé dans l’élaboration des mesures.

L’état des lieux du Conseil fédéral constitue une étape importante. La manière dont il sera mis en œuvre sera décisive. La course mondiale à l’IA ne laisse aucune place à l’hésitation. La Suisse a toutes les cartes en main pour jouer dans la cour des grands – si telle est sa volonté. Le secteur des TIC est prêt à apporter sa contribution.

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