Ueli Maurer: «Les changements technologiques n'ont eu qu'un impact limité sur le marché du travail»
Ueli Maurer a été élu Président de la Confédération pour l’année 2019. En tant que Chef du Département fédéral des finances, le zurichois est aussi en charge de la numérisation de l’administration fédérale. En entretien avec nos collègues de la Netzwoche, il revient sur les chantiers IT de son administration et sur les défis et opportunités de la Suisse en matière numérique, qu’il s’agisse d’emploi, de start-up, ou de blockchain. 3ème partie: l'impact du numérique sur l'emploi.
3. L’IMPACT DU NUMERIQUE SUR L’EMPLOI
L'automatisation du monde du travail et les robots sont deux thèmes majeurs de la numérisation. Que fait le Conseil fédéral pour que le travail perdu à un endroit soit recréé à un autre?
L'influence du Conseil fédéral est probablement surestimée. Dans le cadre de l'initiative pour les travailleurs qualifiés, nous accordons des fonds supplémentaires pour créer des offres de formation continue à tous les niveaux. Nous en discutons également avec les milieux économiques, les écoles et les cantons. Il est important que nous donnions aux gens la capacité de faire face aux nouvelles technologies et de participer au changement. En Suisse, nous vivons également le vieillissement de la population. Lorsque la génération des baby-boomers quittera le marché du travail ces prochaines années, les plus jeunes pourront prendre la relève.
Vous ne voyez donc pas de problème pour la Suisse en matière de numérisation?
C'est un problème qui peut être résolu. Bien sûr, il y en a toujours qui se perdent en chemin. Mais la volonté de faire face aux nouvelles technologies est grande, parce que nous les utilisons constamment dans notre vie quotidienne. Si nous offrons des possibilités d'apprentissage et développons des opportunités, nous relèverons ce défi. Il ne faut pas non plus dramatiser les changements. Le changement et la formation continue font partie de la vie professionnelle. Si nécessaire, nous devons y préparer mentalement les gens.
Les changements technologiques n'ont eu qu'un impact limité sur le marché du travail.
Certaines professions pourraient disparaître complètement du fait de l'automatisation, par exemple dans la logistique ou le travail de bureau. Comment la Suisse devrait-elle réagir?
L'apprentissage commercial était la voie privilégiée pendant des décennies. Le travail de bureau classique ne suffira plus à l'avenir. Il y aura également besoin de moins de personnel dans le commerce de détail. Les profils du secteur doivent s'adapter rapidement si des emplois disparaissent. A l'avenir, on emballera peut-être des colis pour le commerce en ligne au lieu de remplir des rayonnages. Le passé montre que les changements technologiques n'ont eu qu'un impact limité sur le marché du travail. Une chose est cependant claire: la Confédération ne peut pas créer un job pour tout le monde.
Il y a un an, vous avez évoqué lors d'une interview une taxe spéciale pour les entreprises Internet. Pourquoi une telle taxe?
Nous n'en voulons pas. Mais l'UE et l'OCDE cherchent à taxer les services numériques. Si cela se produit, la Suisse devra s'engager auprès de l'OCDE et concevoir sa taxe de manière à en tirer quelque chose. Il existe deux modèles: l'imposition de l'innovation sur le lieu de production ou l'imposition de la consommation là où l'entreprise commercialise ses produits. Les grands pays veulent taxer la consommation, mais nous devrions plutôt partir de l'innovation. Il faut pour cela une définition de ce qu'est un site de production numérique. La mise en œuvre est plus compliquée que beaucoup ne l'imaginent aujourd'hui. Il faudrait par exemple éviter la double imposition des revenus et des prestations. Ce qui est clair pour moi, c'est que, si nous introduisons une taxe numérique, nous devrons réduire les impôts ailleurs. L'État ne doit pas prélever davantage, sinon il a trop d'argent et en fait n'importe quoi.
Consultez ici les autres parties de l’interview:
1. Les chantiers IT de la Confédération
4. Start-up et crypto-économie