Commerçants et consommateurs en désaccord sur les bénéfices de l’IA
L’intégration de l’IA progresse dans le commerce, mais une enquête menée en Suisse, en Allemagne et en Autriche souligne un décalage entre les usages projetés par les entreprises et les priorités des consommateurs.

L’intelligence artificielle s’est déjà largement implantée dans les entreprises commerciales. Les récentes avancées en matière d’IA générative annoncent une évolution des pratiques, en particulier dans le domaine du commerce en ligne, où émergent désormais des interfaces agentiques capables d’interagir de manière autonome avec les clients. Si ces technologies ouvrent de nouvelles perspectives, leur adéquation avec les attentes réelles des consommateurs reste encore à évaluer. Une enquête menée par le Gottlieb Duttweiler Institut (GDI) auprès de plus de 3000 particuliers et 287 cadres du secteur commercial en Allemagne, en Autriche et en Suisse, apporte un éclairage sur la question.
Des consommateurs prudents face à l’IA dans le commerce
Les résultats révèlent qu’une majorité des particuliers envisagent un avenir dominé par l’intelligence artificielle avec prudence, voire pessimisme. Si beaucoup reconnaissent les opportunités offertes par l’IA dans certains domaines du quotidien — comme l’apprentissage personnalisé, l’assistance au diagnostic médical ou encore l’organisation des tâches —, peu y voient un bénéfice global pour la société. Plus de la moitié considère que les entreprises utiliseront surtout l’IA pour améliorer leurs marges, et un tiers pour renforcer leur productivité.
Les consommateurs portent-ils le même regard critique sur l’usage de l’IA par les commerçants? L’enquête du GDI indique que le facteur humain dans la relation commerciale demeure central aux yeux des clients. Seuls 13% des répondants préféreraient interagir avec un assistant intelligent pour effectuer leurs achats, que ce soit en ligne ou en magasin. Les réticences exprimées sont variées: peur de perdre le contrôle, risque de dépenses inutiles, ou encore préoccupations liées à la cybersécurité. Les consommateurs redoutent également que certaines IA les poussent à l’achat de produits qu’ils ne désiraient pas a priori.
Un fossé entre la vision des commerçants et les attentes clients
L’étude du GDI révèle également un fossé entre la perception des consommateurs et celle des commerçants. Tandis que 51% des managers évaluent l’IA positivement, seuls 14% la jugent négativement. Chez les consommateurs, la proportion d’avis négatifs est deux fois plus élevée. Les auteurs de l’étude expliquent cette différence par le focus business des cadres interrogés, qui mettent en avant les gains d’efficacité, les économies potentielles et l’innovation technologique.
Bien qu’ils soient parfaitement conscients que l’usage de l’IA peut avoir des conséquences négatives pour les collaborateurs ou les consommateurs, les directeurs commerciaux entendent poursuivre leurs investissements dans le domaine, notamment dans la gestion des stocks, le marketing et le service client. Cependant, cette orientation semble peu alignée avec les attentes des consommateurs. Ces derniers estiment en effet que l’IA devrait avant tout être utilisée pour négocier avec les fournisseurs afin d’obtenir de meilleurs prix, un objectif rarement cité par les entreprises.
Recentrer les projets d’IA sur les bénéfices concrets pour les clients
Autre point de divergence: les consommateurs manifestent peu d’intérêt pour des fonctions d’automatisation comme la création de listes d’achats, la publicité personnalisée ou les recommandations de nouveaux produits. En revanche, ils se montrent ouverts à une assistance ciblée pendant leur parcours d’achat: recherche de produit, comparaison d’options, et aide à la décision. Ils souhaitent aussi que l’IA leur permettent de profiter des prix les plus avantageux.
Il conviendrait dès lors, du côté des entreprises commerciales, de replacer les attentes des clients au centre des projets d’intelligence artificielle. Pour répondre aux besoins des consommateurs, l’IA devrait servir à résoudre des problèmes concrets qui les préoccupent. A savoir: faire gagner du temps et dépenser moins.