Comment les professionnels IT réagissent lorsque leur spécialité technique devient obsolète
Que se passe-t-il pour les professionnels lorsqu’une technologie dont ils ont fait leur spécialité est en déclin? C’est l’expérience qu’ont vécu de nombreux développeurs il y a deux décennies avec l'abandon progressif de Flash. Des chercheurs ont analysé le phénomène avec des enseignements sur le fonctionnement du marché de l’emploi dans la tech.
En avril 2010, Steve Jobs annonce dans une lettre qu'Apple ne supportera plus le format Flash «parce qu’il ne répond pas à l’ère du mobile», une année plus tard c’est au tour d’Android d’abandonner cette technologie web. Depuis, le format a progressivement disparu poussant finalement Adobe a annoncer la mort de Flash pour 2020.
Comment les développeurs spécialisés dans cette technologie ont-ils réagi à ce déclin rapide? C’est ce qu’ont analysé des chercheurs du MIT et de l’Université de Penn dans un papier publié en septembre ("The Death of a Technical Skill"). Ils en tirent plusieurs leçons sur le marché de l’emploi dans la tech et ses effets sur l’adoption des technologies.
Les effets d’une hyper-réactivité
Statistiquement, l’étude montre que les offres d’emploi mentionnant Flash se sont effondrées après l’annonce d’Apple, avec un déclin de plus de 80% entre 2010 et 2015. En même temps, le salaire moyen des spécialistes Flash s’est maintenu à un niveau relativement stable.
Selon les chercheurs, cette évolution est liée à la très grande élasticité des professionnels de la tech. Leur travail avec des groupes de développeurs concernés par la disparition de Flash apportent divers enseignements. Ainsi les spécialistes IT sont aux aguets par rapport à leurs compétences et s’orientent à ce que disent les firmes leaders. Suite à la décision d’Apple, nombre de développeurs Flash ont vite cherché à acquérir de nouvelles compétences et à quitter le domaine avant même que la demande ne chute. Et pour ce faire ils ont principalement choisi de postuler pour des jobs différents leur permettant de développer ces compétences en emploi, quitte à être moins rémunérés. Au niveau du marché dans son ensemble, l’offre en spécialistes a ainsi décliné de façon alignée avec la demande, ce qui explique la stabilité des salaires.
Un phénomène propre au domaine technologique
Les chercheurs soulignent combien cette élasticité est liée au secteur technologique, avec d’une part de nouveaux domaines émergents en permanence vers lesquels les spécialistes peuvent se réorienter, et d’autre part des voies aisées pour acquérir les nouvelles compétences.
Peu d’impact sur l’adoption des technologies
Cette grande élasticité a aussi pour effet que l’adoption des technologies est peu dépendante du marché des spécialistes. Si une reconversion était moins aisée, il pourrait y avoir un excès de spécialistes dans des technologies dépassées, si bien que leurs salaires baisseraient et que les entreprises pourraient être tentées d’y recourir pour des motifs économiques - l’adoption de nouvelles technologies s’en trouverait freinée. Si au contraire, ils quittaient le marché en déclin à un rythme trop rapide, ils ne pourraient pas satisfaire la demande restante et les salaires augmenteraient, poussant au contraire les entreprises à se défaire encore plus rapidement des technologies dépassées.