Quels facteurs déterminent le succès (ou non) des projets de numérisation fédéraux?
Le Contrôle fédéral des finances examine régulièrement les projets de numérisation de la Confédération. Sur la base de 16 rapports précédents, il a identifié sept facteurs clés qui contribuent au succès de tels projets. Le courage en fait partie, tout comme l'utilisation des données.
La transformation numérique de la Confédération ne se déroule pas toujours sans heurts, loin s'en faut. Le Contrôle fédéral des finances (CDF) en est particulièrement conscient, car il examine régulièrement d'importants projets de numérisation de la Confédération et découvre assez souvent des lacunes. L'organe de contrôle a ainsi récemment plaidé pour une cybersécurité accrue, critiqué la lenteur de la numérisation des consulats suisses ou critiqué le DDPS et son projet de désenchevêtrement informatique de l'armée.
Seul un projet sur quatre est en bonne voie
Dans l'une de ses dernières publications, le CDF ne se penche toutefois pas sur un nouveau projet de numérisation, mais sur seize de ses rapports d'audit antérieurs. Le CDF en déduit sept facteurs clés de succès pour la réalisation de projets de transformation numérique par la Confédération.
En substance, le CDF juge que l'administration fédérale a encore des progrès à faire dans le domaine de la transformation numérique. Un quart des 16 projets sélectionnés étaient sur la bonne voie. En revanche, le CDF a constaté des lacunes importantes dans la moitié des projets examinés. L'organe de contrôle constate que peu d'offices contrôlés abordent la transformation numérique de manière globale. Il faudrait pour cela aborder toutes les dimensions pertinentes d'une transformation numérique, à savoir: le client, la stratégie, la technologie, l'exploitation, l'organisation et la culture. Les points faibles mis au jour se situent aussi bien au niveau de la gestion stratégique (ambition, vision et engagement) que de la gestion opérationnelle (cadre juridique, données, vision de bout en bout et marge de manœuvre).
Oser l’ambition
Dans les 16 projets examinés, les grandes ambitions sont rares, juge le CDF, qui commente: «Le manque de courage, la faible disposition au changement ou la mise en œuvre d'un mandat légal très étroit sans tenir compte des besoins des partenaires concernés conduisent à des opportunités manquées». Pour pouvoir exploiter le potentiel de la transformation numérique, il faut avoir la volonté de repenser les prestations existantes, de devenir plus efficace et plus efficient et de s'attaquer aussi à des changements profonds, explique le CDF. Et de préciser avoir observé, bien plus rarement, «des ambitions irréalistes, sans disposer des compétences nécessaires en matière de transformation numérique».
Vision, stratégie et pilotage
L'absence d'outils de pilotage et de gestion liés à la numérisation a été relevée par le CDF dans presque tous les autres audits. Il s'agit par exemple de l'absence d'objectifs quantifiables, d'objectifs désorganisés, d'un manque de prise en compte des interdépendances entre les petites initiatives, de plans et de budgets irrationnels et d'une gouvernance déficiente. «Des objectifs mesurables ont un fort effet de signal interne et externe et représentent une obligation», écrit le CDF. Sans eux, l'évaluation des progrès ou du succès reste forcément diffuse et subjective. Et sans un objectif supérieur (donc une vision), il n'est guère possible de choisir une voie prometteuse (donc une stratégie).
Direction impliquée
Dans environ un quart des projets analysés, la responsabilité de la transformation numérique a été déléguée du sommet vers la base. Elle n'y a pas été mise en œuvre de manière conséquente en raison d'un manque de compétences. Pour le CDF, il est donc clair que «pour que la transformation numérique réussisse, il faut le soutien de la direction». Cela implique une architecture globale, une gestion de portefeuille de projets établie, une gouvernance claire, une collaboration étroite entre les spécialistes et l'informatique et une culture d'amélioration continue.
Revoir le cadre juridique
La gestion du cadre juridique pose souvent des défis aux autorités fédérales, analyse le CDF. Souvent, les lois limitent la marge de manœuvre en matière d'innovation. Le développement des bases légales n'est toutefois envisagé que dans des cas isolés. Le CDF donne donc le conseil suivant: «D'une manière générale, les offices spécialisés doivent être conscients que les projets de numérisation nécessiteront très probablement une adaptation des conditions-cadres juridiques afin de pouvoir réellement exploiter le potentiel des projets».
Utiliser la marge de manœuvre
Concernant les défis liés aux systèmes fédéraux, il suggère par exemple d'impliquer rapidement toutes les parties prenantes et d'élaborer des interfaces standardisées. En ce qui concerne les conditions-cadres légales, il est important d'évaluer de manière réaliste ce qui peut être fait avec les ressources disponibles. Pour combler les lacunes de connaissances dans le domaine de la transformation numérique, la formation continue des collaborateurs constitue un levier efficace. Le CDF ajoute que «la collecte et l'échange structurés d'expériences sur ces thèmes au sein de l'administration fédérale sont encore trop rares».
Vision de bout en bout
Dans plus de la moitié des audits, on a constaté que toutes les parties prenantes pertinentes n'avaient pas été intégrées, critique le CDF. Il n'est pas rare que cela conduise à long terme à une faible acceptation d'un nouveau système, à un faible nombre d'utilisateurs ou à des solutions parallèles de fournisseurs tiers. «Les processus sont encore trop rarement optimisés avec les parties prenantes concernées dans une perspective globale», juge l'autorité.
Utiliser les données comme ressource centrale
Dans deux tiers des projets examinés, les données n'étaient pas ou pas suffisamment utilisées. Les procédés analytiques, le big data ou l'intelligence artificielle n'ont généralement pas été abordés, regrette le CDF. En outre, il manque souvent une gouvernance des données ou un modèle de données transversal. «Les données sont d'une importance capitale pour la transformation numérique, car elles permettent d'acquérir de nouvelles connaissances qui peuvent être utilisées notamment pour le pilotage, l'amélioration des prestations et l'augmentation de l'efficacité», avertit le CDF, qui rappelle que les cantons livrent souvent des données à la Confédération, où elles peuvent être traitées ou utilisées comme base, par exemple pour la haute surveillance.