Observer l’activité réelle des utilisateurs
Le but de toute application informatique est d’être utilisée de façon efficace; or bien souvent, les utilisateurs mettent en œuvre leur propre stratégie afin de pouvoir mener à bien leur travail. L’analyse de cet écart, entre ce que les ergonomes appellent le travail prescrit et le travail réel, est un élément phare de l’ergonomie. Décryptage.
L’ergonomie dans sa définition initiale s’attache à comprendre et à transformer le travail humain afin qu’il ne cause pas de souffrance physique ou mentale et qu’il contribue à l’équilibre et à l’épanouissement personnel dans le cadre collectif que constitue l’entreprise ou autre regroupement social.
Dans le cadre informatique l'ergonomie a pour objectif d'améliorer l'interaction des hommes avec les systèmes. Afin de pouvoir réaliser son travail, un utilisateur devra comprendre les tâches qui lui sont demandées, évaluer les ressources à disposition et être imaginatif. Les tâches prescrites sont notamment les procédures, les normes, les processus officiels et théoriques sur ce qui doit être fait. Les tâches réelles ou activité réelle sont les modes opératoires et bien souvent stratégies compensatoires que l’opérateur va devoir réellement mettre en œuvre afin d’effectivement réaliser ses tâches.
L’essence même de l’ergonomie est de découvrir cet espace, sorte de terra incognita, entre prescrit et réel: établir si cet écart est petit ou immense et comprendre ce qui s’y passe. Si la partie visible du travail humain est un résultat souvent mesuré et quantifié par un certain nombre d’indicateurs tels que le temps passé ou le nombre d’éléments réalisés, qu’a dû mettre en œuvre l’opérateur pour y arriver?
L’observation des situations de travail
L’observation des situations de travail est pour l’ergonome une étape clé qui va lui permettre de comprendre sur le terrain le travail effectif et prendre la mesure de l’écart entre le prescrit et le réel afin de pouvoir émettre un diagnostic et mettre en place des solutions d’amélioration concrète.
Transposé au monde de l’interface homme-machine (IHM), il s’agit d’établir s’il y a écart entre le modèle imaginé par les concepteurs (le prescrit) et celui effectif (réel) des utilisateurs cibles de l’interface donnée (par exemple une application web). L’application donne-t’elle satisfaction aux utilisateurs? Permet-elle de faciliter le travail ou au contraire son niveau d’utilisabilité est-il un frein à la réalisation efficace des tâches par l’utilisateur? Y a t’il des difficultés? Si oui, pourquoi et quelles sont-elles? Les utilisateurs doivent-ils contourner des éléments ou demander de l’aide? Quels sont leurs réels besoins et que faudrait-il mettre en place pour que l’outil soit adapté?
Le test utilisateur: méthode phare de l’ergonome
Une méthode phare qui découle de celles de l’ergonomie et qui va permettre de répondre à l’ensemble de ces questions est le test utilisateur. Cette approche se base sur l’observation des utilisateurs en situation d’interaction réelle avec l’outil. Ainsi, il n’est pas question uniquement de recueillir ce que peuvent dire les utilisateurs de l’application ou ce que peuvent imaginer les responsables de ce qu’est le travail effectif de leurs collaborateurs, mais également de voir et d’analyser ce que ceux-ci font réellement. Ceci permet d’établir s’il y a écart entre ce qui a été conçu (ou à concevoir) et les besoins réels de la cible, de comprendre pourquoi et ainsi de pouvoir adapter et améliorer l’IHM.
Le test utilisateur est une approche qualitative, souvent réalisée en session individuelle (observation d’un seul utilisateur à la fois avec l’outil à moins que le contexte réel d’usage ou un choix méthodologique implique plusieurs acteurs). Avec la méthode du «think aloud»: on demande à l’utilisateur de verbaliser à voix-haute sa pensée afin de comprendre sa logique, son raisonnement et le pourquoi de son cheminement. Des études réalisées par le gourou de l’utilisabilité Jakob Nielsen ont montré qu’à partir de cinq sessions individuelles environ 80% des problèmes majeurs d’utilisabilité d’une interface sont découverts et, grâce à l’observation, analysés et compris: un processus qui permet d’établir les adaptations nécessaires.
Un des avantages du test utilisateur est qu’il peut être mis en place tout au long du cycle de conception et de développement de l’interface. En amont, il permet d’évaluer si les premiers concepts correspondent bien aux besoins et à la logique de la cible. Dans une approche de conception centrée utilisateur, il est tout à fait établi de pouvoir réaliser des tests d’interaction avec les premiers écrans en papier-crayon. Tout au long de la réalisation, il permet d’évaluer si l’écart entre logique concepteur et logique utilisateur ne se creuse pas! Pour une application existante, le test utilisateur permet d’établir un diagnostic complet de ce qui fonctionne ou pas et de contribuer ainsi à établir la feuille de route pour le redesign de l’application.
Ainsi, le travail humain ayant évolué vers une utilisation plus grande des applications informatiques, il est essentiel que celles-ci prennent en compte les besoins effectifs et réels de ceux qui vont les utiliser au quotidien. L’observation de l’interaction entre l’homme et la machine reste à ce jour le meilleur moyen d’adapter cette dernière à l’humain.
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