Pavel Dourov

Telegram sous pression: le CEO de l’app de messagerie arrêté par la police française

Pavel Dourov, le patron de Telegram, a été arrêté par la police française. La justice lui reprocherait de ne pas lutter efficacement contre l'usage criminel de sa messagerie.

(Source: Oberon Copeland @veryinformed.com sur Unsplash)
(Source: Oberon Copeland @veryinformed.com sur Unsplash)

Le cofondateur et patron de la messagerie Telegram, l'entrepreneur russe Pavel Dourov, a été arrêté par la police française samedi 24 août, selon des informations de TF1 ensuite largement relayées par les médias français et internationaux. Pavel Durov arrivait d'Azerbaïdjan et était sous le coup d’un mandat de recherche lancé par l’Ofmin, l’office français chargé de la lutte contre les violences faites aux mineurs. Selon Le Figaro, la justice reproche à Pavel Dourov de ne pas agir (absence de modération et de collaboration avec les enquêteurs) contre les utilisations délictuelles de sa messagerie par ses abonnés (diffusion de contenus pédopornographiques, escroquerie, trafic de drogues, crime organisé, apologie du terrorisme). Sa garde à vue a été prolongée dimanche soir et pourrait durer jusqu'à 96 heures. 

A la fois concurrent de Whatsapp et réseau social

Aujourd'hui milliardaire, Pavel Dourov a créé Telegram en 2013 avec son frère Nikolaï. Ils sont également connus pour avoir développé le réseau social russe VKontakte. Rappelons que Telegram est une application de messagerie instantanée multiplateforme et gratuite. Elle permet aux utilisateurs d'envoyer des messages, photos, vidéos et autres fichiers joints et se positionne en concurrent de Whatsapp. Telegram peut aussi être assimilé à un réseau social car l’app permet de créer des groupes pouvant contenir jusqu'à 200’000 membres, ainsi que des canaux pour diffuser des messages à un nombre illimité de membres. 

Pas de chiffrement par défaut

Telegram est présenté par son éditeur comme une messagerie sécurisée, or l'application n'utilise pas le chiffrement de bout en bout par défaut. Comme le souligne sur son blog Matthew Green, expert en chiffrement, les utilisateurs doivent activer manuellement la fonction «Secret Chats» pour sécuriser leurs conversations privées. Cette option est limitée aux discussions en tête-à-tête et n'est pas disponible pour les groupes. De plus, l'activation de cette fonction est assez complexe pour l’utilisateur lambda. Ainsi, la plupart des conversations sur Telegram, notamment toutes celles en groupe, sont potentiellement accessibles sur les serveurs de l'application. Et peuvent donc faire l’objet de demandes des forces de l'ordre dans certains cas. Dans sa FAQ, Telegram note toutefois: «Plusieurs décisions juridiques de différentes juridictions sont nécessaires pour nous obliger à céder des données [...] A ce jour, nous avons divulgué 0 octet de données utilisateur à des tiers, y compris aux gouvernements.» 

900 millions d'utilisateurs

Des arguments qui semblent convaincre, Telegram étant de plus en plus populaire. Le New York Times souligne que la croissance de l'entreprise, qui compte aujourd'hui plus de 900 millions d'utilisateurs, est en partie due à son engagement en faveur de la liberté d'expression. Le contrôle léger exercé par Telegram sur les propos et les actes des utilisateurs a facilité la communication et l'organisation des populations subissant des régimes autoritaires. Mais elle a également fait de l'application un refuge pour la désinformation, l'extrémisme de droite et d'autres contenus préjudiciables.

Réactions internationales et débat sur la liberté d'expression

L'arrestation a suscité une vague de commentaires sur les médias sociaux, montrant que la question de la liberté d'expression, de la censure et de la surveillance des contenus en ligne par les autorités suscite de plus en plus d'inquiétudes. Sur X,  Edward Snowden évoque une «violation des droits humains fondamentaux». Cette affaire s'inscrit en outre dans un contexte particulier, qui voit le contrôle de la liberté d'expression sur le web se renforcer. «Les gouvernements nationaux, en particulier ceux de l'Union européenne, ont intensifié la pression sur les entreprises pour qu'elles s'attaquent à la désinformation, à l'extrémisme en ligne, à la sécurité des enfants et à la diffusion de contenus illicites», note le New York Times. 

Breton vs. Musk

Un échange tendu a récemment eu lieu entre Thierry Breton, le commissaire européen aux affaires numériques, et Elon Musk, le propriétaire de X qui a sans surprise également critiqué l'arrestation de Pavel Dourov). Thierry Breton a pris l'initiative de publier une lettre publique adressée à Elon Musk, l'exhortant à garantir que X respecte les normes européennes, notamment le règlement sur les services numériques (DSA). Cette intervention faisait suite à l'annonce de Musk concernant la diffusion d'un entretien avec Donald Trump sur la plateforme. Toutefois, selon des informations rapportées par le Financial Times, cette lettre n'avait pas été approuvée par la présidente Ursula von der Leyen ni par le collège de la Commission européenne. 

A noter que le service de communication de Telegram a aussi commenté sur X l'arrestation du CEO, indiquant que l'entreprise respecte les lois de l'UE, y compris la loi sur les services numériques (Digital Services Act). Et d'ajouter: «Le CEO de Telegram, Pavel Dourov, n'a rien à cacher et voyage fréquemment en Europe. Il est absurde de prétendre qu'une plateforme ou son propriétaire sont responsables des abus commis sur cette plateforme». 
 

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