Pourquoi l’UE inflige une amende record à Google
Google a été condamné par la Commission européenne à payer une amende de 4,34 milliards d'euros pour abus de position dominante. Quelles pratiques sont précisément jugées illégales par l’UE?
La Commission européenne a infligé à Google une amende record de 4,34 milliards d'euros (5 milliards de francs suisse) pour abus de position dominante liée à certaines pratiques menées avec les fabricants d’appareils mobiles sous Android. Alors que la Commission précise ne remettre en cause ni le modèle open source ni le système d'exploitation Android, que reproche-t-elle précisément à la firme de Mountain View? «Google utilise Android comme un véhicule pour consolider la position dominante de son moteur de recherche», souligne Margrethe Vestager, commissaire chargée de la politique de concurrence. Pour la Commission, Google a procédé de la sorte à travers trois pratiques distinctes.
Pas de Play Sore sans préinstaller Google Search et Chrome
Premièrement, la firme vend aux fabricants la licence permettant de préinstaller le Play Store via une offre groupée, comprenant également les applications Google Search et Chrome. La Commission juge ainsi illégales les ventes liées de ces deux applications, Google ayant par ce biais dissuadé les fabricants de préinstaller des applications de recherche et de navigation concurrentes. Google s’est défendu sur ce point, en argumentant que cette vente groupée était nécessaire, notamment pour être en mesure de rentabiliser son investissement dans Android. Un argument non retenu par la Commission, Google dégageant des milliards de dollars de revenus annuels grâce au seul Play Store.
Incitations financières
Deuxièmement, la Commission européenne a estimé qu’entre 2011 et 2014, Google se livrait à une pratique illégale en accordant des incitations financières importantes à de gros fabricants d'appareils ainsi qu'à des opérateurs mobiles, si ces derniers préinstallaient exclusivement Google Search sur tous leurs appareils Android. La Commission explique avoir rejeté l'argument de Google «selon lequel les paiements fondés sur l'exclusivité étaient nécessaires pour convaincre les fabricants d'appareils et les opérateurs de réseaux mobiles de produire des appareils en vue de l'écosystème Android.»
Manœuvres empêchant l’utilisation de forks d’Android
Troisièmement, la Commission juge que Google a illégalement exigé des fabricants que, pour avoir le droit de préinstaller le Play Store et Google Search, ils s’engagent à ne développer ou ne vendre aucun appareil fonctionnant sous un fork d’Android (OS mobile non approuvé par Google créé à partir du code Android en open source). Le géant du web n’ayant fourni aucune preuve que les forks Android connaîtraient des défaillances techniques ou ne supporteraient pas ses applications, l’argument avancé par la firme d’un risque de fragmentation de l'écosystème Android est infondé, selon la Commission.
L’amende de 4,34 milliards d'euros a été calculée sur la base de la valeur des recettes que Google réalise grâce aux services de publicité contextuelle sur les appareils Android dans l'EEE. La Commission exige de Google mette fin aux pratiques condamnées dans les 90 jours.
Google va faire appel
En réaction, le CEO de Google Sundar Pichai a déclaré avoir l’intention de faire appel à la décision de la Commission européenne. Il estime qu’Android donne une large palette de choix à des milliers de fabricants et d'opérateurs mobiles, à des millions de développeurs d'applications qui ont bâti leur business avec Android, ainsi qu’à des milliards de consommateurs qui utilisent des smartphones Android (environ 80% des parts de marché).
Animation GIF à l’appui, le CEO a en outre montré qu’il était aisé de désactiver ou de désinstaller des applications préinstallées.
La nouvelle amende infligée par l’UE à Google intervient un peu plus d’an an après celle de 2,42 milliards d’euros, qui condamnait un abus de position dominante en matière de comparaison des prix avec le service Google Shopping.