Denis Tudor, EPFLoop: «Swissmetro c’était Hyperloop avant Hyperloop»
A l'issue d'une sélection draconienne, l'équipe de l'EPFL, EPFLoop, figure parmi les 20 retenues pour participer au troisième Hyperloop Pod Competition qui aura lieu le 22 juillet prochain aux Etats-Unis. Denis Tudor, qui a monté cette équipe, et Nemanja Stojoski, Software Lead d’EPFLoop, nous racontent leur aventure et les défis logiciels auxquels ils doivent faire face. S'adressant aux étudiants des universités et hautes écoles, cette compétition a pour but de créer le prototype de capsule à sustentation magnétique le plus rapide et de le tester sur la rampe d'essai de SpaceX, à Hawthorne, en Californie.
[Mise à jour 20/07 - 11h] L'équipe d'EPFLoop est arrivée en début de semaine en Californie et se prépare à affronter, ce 22 juillet, les 17 autres équipes sélectionnées mondialement pour la troisième Hyperloop Pod Competition. Parmi elles, une autre équipe suisse, Swissloop, issue de l'ETHZ. En avril dernier, ICTjournal avait rencontré deux des membres de l'équipe de l'EPFL qui nous avaient fait part de leurs grandes ambitions. Retrouvez cet entretien ci-dessous.
Comment est né EPFLoop?
Denis Tudor: Tout a commencé en septembre 2017. Ayant déjà participé deux fois au concours Hyperloop de SpaceX, en rejoignant l’EPFL j’ai proposé de monter une équipe à Lausanne. 50 personnes l’ont rejointe et le travail que nous avons présenté est passé à travers les trois phases de qualification pour finalement être retenu.
Nemanja Stojoski: Nous sommes très fiers, car 5000 équipes ont participé. EPFLoop et une équipe irlandaises sont les deux seules équipes nouvelles, les 18 autres retenues ont déjà concouru les années précédentes.
Sur quels critères avez-vous été retenus?
DT: Les documents envoyés à SpaceX doivent être très précis. Il faut proposer un design du pod de qualité, le plus détaillé possible, et expliquer comment nous comptons le fabriquer et pourquoi nous avons la capacité de le faire. Le tout doit être accompagné de résultats de simulations montrant que notre pod fonctionnera dans le tube Hyperloop...
NS: ...fonctionnera et s’arrêtera ! La sécurité est ce sur quoi SpaceX insiste le plus. Nous devons leur assurer que notre pod ne viendra pas frapper le bout de ce tube de presque deux mètres de diamètre.
Quels sont vos plus gros challenges logiciels?
DT: Il est impossible de construire une fusée en trois mois. Pourtant c’est un peu ce que nous devons faire. Et, contrairement à d’autre, nous ne sommes pas sponsorisés par Airbus, notre équipe va tout réaliser au sein de l’EPFL. Au-delà des simulations numériques, nous allons même faire des tests réels, sur un rail que nous allons installer sur le campus et dans une chambre à vide.
NS: La sécurité étant l’élément principal, assurer une communication robuste entre la station de base et le pod est primordial. Et c’est un sacré défi puisque la capsule ira, nous l’espérons, à plus de 300 km/h dans le tube et que SpaceX limite la bande passante à 2 Mbps. En respectant cela nous devons à la fois récolter les informations transmises par tous les capteurs présents sur le pod pour nous assurer que tout va bien et être capable d’envoyer, à tout moment, une commande d’arrêt d’urgence suivie d’effet.
DT: Notre équipe avionique travaille de son côté sur le logiciel embarqué qui commandera le pilotage du pod. C’est lui qui doit nous faire atteindre la vitesse maximale tout en respectant la procédure imposée : durée de propulsion, zone de freinage, etc… Notre algorithme d’autopilot s’appuiera donc sur les données à sa disposition comme la vitesse et l’accélération pour déduire la position du pod dans le tube pour optimiser en continue la vitesse sans jamais compromettre la sécurité.
L'un de vos parrains est Marcel Jufer, professeur honoraire de l’EPFL à l’origine du concept de Swissmetro lancé en 1992 et abandonné en 2009. En quoi vous aide-t-il?
DT: En voulant relier les principales villes suisses par un train à très grande vitesse et à sustentation magnétique, le Swissmetro était l’Hyperloop avant l’Hyperloop. Les apports du professeur Jufer sont précieux, sur le plan technique comme en termes d’image. Que nous gagnions ou pas, ce n’est pas grave, nous allons prendre beaucoup de plaisir sur ce projet. Je dirai même que le vrai challenge commencera après la compétition, car nous n’allons pas nous arrêter là. Les accords avec SpaceX indiquent que l'entreprise d'Elon Musk peut utiliser les résultats de nos travaux, mais l’inverse est vrai aussi. Nous pouvons utiliser leur tube, il est «open source.» Et les temps ont changé. Il y a 10 ans, c'était peut-être trop tôt pour le Swissmetro. Maintenant, c'est le bon moment.