Chief Digital Officer: une fonction durable ou temporaire?
De plus en plus d’entreprises confient leur transformation digitale à un nouveau rôle hybride dans leur organisation: le Chief Digital Officer. Une fonction stratégique néanmoins appelée à mourir une fois l’entreprise digitalisée.
Considérée comme un impératif par un nombre croissant d’organisations, la transformation digitale de l’entreprise est une tâche protéiforme. Marketing et informatique en tête, toutes les fonctions de l’entreprise ont un rôle à jouer dans ce changement, mais aucune ne dispose a priori de tous les requis pour le mener à bien. Estimant que leur organisation n’était pas en mesure de répondre à ce nouveau défi, certaines entreprises ont créé la nouvelle fonction de Chief Digital Officer (CDO) siégeant à la direction et chargée de comprendre les causes profondes du changement en cours, de fédérer les initiatives digitales et de conduire la transformation numérique.
Et le mouvement prend de l’ampleur. Le CDO Club estime qu’ils sont près de 2'000 dans le monde à occuper ce poste en 2015, soit deux fois plus qu’en 2014. En Suisse, 5% des entreprises ont l’intention d’engager un CDO cette année, selon une enquête de Harvey Nash1. Souvent grassement payé, le poste est particulièrement populaire dans le secteur des médias - Ringier et Tamedia ont d’ailleurs toutes deux un Chief Digital Officer - mais on en trouve aussi dans les banques, à l’instar d’UBS et de Notenstein.
De l’audace et du tact
Plusieurs chemins mènent au poste de Chief Digital Officer, analyse Deloitte dans un rapport récent2. Il s’agit parfois d’un poste existant élevé au niveau de la direction. Ou de la centralisation de capacités fragmentées. Ou encore d’une fonction complètement neuve, avec un impact plus fort, mais aussi le risque de résistances.
Quelle que soit sa trajectoire, le Chief Digital Officer a le rôle inédit de soutenir et de faire converger les efforts des autres CxO et de toute l’entreprise en direction du digital. Selon McKinsey*, le CDO est ainsi avant tout un chef de la transformation dont l’action s’étend à de multiples domaines. A sa charge notamment d’orienter les actions de l’entreprise vers la clientèle, développer une compréhension étendue du comportement et de l’expérience des clients et de faire entendre la voix du client à l’interne. Il doit aussi instiller de la vitesse et de l’agilité dans l’organisation, avec des équipes hybrides, des rythmes accélérés, des objectifs agressifs et l’abandon impitoyable des projets les moins prometteurs. A lui aussi d’étendre son réseau à la fois à l’interne auprès de tous les métiers de l’organisation, et à l’externe auprès de start-up et d’acteurs d’autres secteurs.
Pour occuper le poste, il faut donc une personne aux aptitudes multiples, sachant faire preuve d’audace et de tact, à même de réaliser tant des gains rapides qu’une transformation à long terme, et possédant hard skills (stratégie, analyse, conduite de projets) et soft skills (patience, charisme, détermination). «Sa forte propension à l’action et aux idées audacieuses et sa haute tolérance au risque nécessitent une personne capable de gérer les hérissements, les egos blessés et les esprits échauffés que son activité de manque pas de créer», explique McKinsey3.
Un rôle temporaire?
La question se pose bien sûr de la complémentarité (ou de la concurrence) entre les postes de CIO et de CDO. En confiant l’ensemble des initiatives digitales à un Chief Digital Officer, le responsable informatique peut légitimement craindre de voir son rôle marginalisé et limité aux seules opérations (en attendant que celles-ci soient outsourcées ou migrent sur le cloud…). En même temps, les CIO sont déjà souvent débordés et n’ont pas toujours les compétences nécessaires à la transformation digitale. Et la création du poste de CDO a le mérite de produire un électrochoc et de signifier clairement l’importance du digital.
A terme pourtant, le poste de CDO est sans doute voué à disparaître et de larges pans du digital vont retomber dans l’escarcelle de l’informatique et des autres métiers. Car l’objectif de la transformation digitale c’est qu’il n’y ait plus de « stratégie digitale », mais que celle-ci devienne la « stratégie d’entreprise». Pour les experts de Deloitte*, l’inflation actuelle sera ainsi suivie d’une déflation: « Dans beaucoup d’entreprises, le business sera si imprégné de digital, qu’il n’y aura plus lieu d’avoir un responsable et une équipe dédiés, comme il n’y a pas lieu d’avoir un Chief Email Officer». En somme, on pourra dire qu’un CDO qui a réussi, c’est un CDO qui est devenu superflu.
- Harvey Nash CIO Survey 2015
- The Rise of the Chief Digital Officer, Deloitte Digital, 2015
- ‘Transformer in chief’: The new chief digital officer, McKinsey & Company, 2015
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